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Le dessin à l'école et dans la famille: revue d'éducation esthétique — 1.1922/​1923

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[mai 1923]
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https://doi.org/10.11588/diglit.43073#0262
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Chariot, la peine qu’il lui avait causée ainsi qu’à
leur vieille mère, elle l’oubliait dans ce mo-
ment; le retour de l’absent la réjouissait et la
consolait.
— Tu es libre ! tu nous reviens ?
— Oui, petite sœur. Cette fois je serai plus
sage, va ! Ne te désole plus. Que devient notre
mère ?
— Elle a tant souffert de ton aventure ! Elle
est bien pourtant et va se réjouir de ton retour
mais surtout de tes bonnes dispositions. Elles
vont durer, j’espère.
— Sois tranquille ! J’ai compris, cette fois,
qu’il était indigne de ma mère et de toi-même,
indigne de mon âge aussi de mener une vie
inoccupée et vagabonde. Cette inaction mène
à tout, et la prison est déshonorante !
— Ne parie plus de ce passé, Chariot, si tu
veux sincèrement devenir meilleur.
Je n’entendis pas le reste de la conversation.
Les jeunes gens s’éloignèrent, Chariot tenant
en laisse la chèvre qui suivait docilement, de
son trot menu. Andrée s’était écartée du frère
et de la sœur par une discrétion que je compris.
Je m’approchai d’elle et, par mon petit cri
qu’elle reconnut, j’attirai son regard. Elle était
rouge de sa course, et ses cheveux, un peu dé-
rangés par les branches, formaient autour de
son front une auréole soyeuse de gaze dorée
mouvante sous le vent du soir qui venait. Dans
ses yeux je lus son bonheur de la joie qui était
rendue à Louise, et je m’associai à cette com-
mune félicité. Andrée le comprit ; elle se pencha
vers moi et sa petite main glissa doucement
sur ma fourrure tandis que sa voix, bonne
comme aux plus beaux jours, me disait :
-— Eh bien, Jeannot ! es-tu toujours heu-
reux? On ne te voit plus depuis quelque temps.
Attention à Chariot ; il est rentré, changé on
le dirait, mais... qui sait ? Au revoir, et à
bientôt !
Andrée s’éloigna rapidement pour rejoindre
le groupe qui tournait vers l’allée de la mère
Séraphine. Je la regardai s’éloigner, vive et
légère, et si heureusement tranquille ! Puis,
lentement, en prenant par les chemins les plus
longs, je regagnai le terrier.
Auprès du château, le vieux domestique
contait au bûcheron les nouvelles du jour.
J’appris qu’une coupe aurait lieu dans la partie
du bois qui longe « le chemin rouge », puis
qu’un baptême de cloche se préparait pour la
fête de Noël. Marguerite, la jolie montreuse
d’ours, la petite enfant disparue jadis et que
son père avait retrouvée grande jeune fille,
devait être la marraine de la cloche, sa famille

en faisait don au vieux curé en reconnaissance
des bontés de sa digne sœur envers Marguerite
durant son séjour dans le village. Cette béné-
diction de cloche devait donner lieu à de belles
fêtes; le « jeune homme brun » serait le par-
rain, donc grande réjouissance au château.
Ma mère et ma sœur venaient à ma ren-
contre. Il leur était agréable de profiter des
dernières clartés de ce jour calme et clair,
comme il s’en trouve encore en fin novembre
avant les rigueurs de l’hiver.
Plutôt que de rentrer il nous parut qu’un
petit tour du côté de l’étang serait intéressant.
Tout était calme et silencieux. Le vol ouaté et
maladroit d’un hibou nous fit pourtant tres-
saillir. Nous le connaissions bien, ce vieux soli-
taire du grand hêtre rouge qui marque le croi-
sement des deux principales allées du taillis,
mais il nous surprit, si proche de nous.
Ma mère proposa une excursion vers les jar-
dins du village. Il y avait là quelques légumes
abandonnés dont nous aurions pu faire un bon
dîner. On partit. Une petite maison proprette,
aux murs blanchis à la chaux, se reposait sous
son grand toit de tuiles rouges et moussues.
Nous apercevions, par la fenêtre, à travers les
rideaux de simple tulle, une lampe coiffée d’un
abat-jour rose à ramages verts; elle éclairait,
de son rond de lumière, la figure de quelques
enfants assis autour d’une table où ils s’amu-
saient auprès du père attentif à leurs jeux et
de la mère. Celle-ci, en tricotant des bas de
laine, balançait du pied un berceau où reposait
un bébé joufflu.
Nous admirions ce joli tableau d’une douce
intimité familiale, ce repos de braves gens
après le rude travail du jour et que l’activité
de la femme ne voulait pas laisser inoccupé.
Soudain une voix s’éleva, douce et harmonieuse,
retenue et mesurée ; le chant venait de l’humble
maison. La femme disait :
« Berceaux, frêles berceaux, vous êtes des nacelles,
Qui, sous un souffle calme et pur,
Venez, en frémissant, vers nous, ô barques frêles,
Du fond de l’éternel azur L
(A suivre) Jeannot.

1. J. Aicard.

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