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Le dessin à l'école et dans la famille: revue d'éducation esthétique — 1.1922/​1923

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[juin 1923]
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https://doi.org/10.11588/diglit.43073#0293
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Caprice.
De loin je suivis le groupe qui s’éloignait
et je m’amusai fort des rires de l’enfant et de
la joie d’Andrée heureuse du bonheur de son
petit cousin. Au tournant de la clairière, le
jeune cavalier voulut faire reprendre à sa mon-
ture le chemin du bois et renouveler la course
qui le divertissait. Ce fut en vain. Cadichon
prétendait rentrer à la ferme ; son avoine, sans
doute, l’attendait à l’écurie. L’enfant tira sur
les rênes ; le baudet, têtu comme ceux de sa
race, refusa nettement d’obéir. Il tournait sur
place, piétinait, secouant sa grosse tête, et je
vis bien qu’il songeait à se débarrasser de l’im-
portun qui s’obstinait.
Déjà Cadichon esquissait une ruade. L’en-
fant ne riait plus; il voulut paraître brave
pourtant. Ses talons pressèrent les flancs du
baudet ; un moment avec des hue ! hue, Cadi-
chon ! Allons, hue ! vilain têtu ! il tira sur la
bride avec des secousses un peu vives qui dé-
plurent à l’animal. Un braiment sonore ré-
pondit aux vivacités de l’enfant ; une ruade
nouvelle, plus énergique, annonça1 l’impatience
du baudet qui se mit à tourner sur place avec
des regards obliques vers son cavalier. Celui-ci,
ne comprenant pas la menace, n’aurait pas
tardé à rouler sur le gazon si Andrée n’était
accourue. Avec de bonnes paroles et des ca-
resses elle calma Cadichon qui se refusa pour-
tant à toute nouvelle promenade. Il fallut le
ramener à la ferme. Docilement il entra dans
la cour, conduit par Andrée qui connaît ses
caprices et se garde bien de les jamais pro-
voquer.
Je m’éloignai, en songeant à ce double en-
têtement capable de causer un accident ou du
moins une comique et déplaisante dégringo-
lade du cavalier, lorsque une riche limousine
s’annonça1 sur la grand’route. Elle prit brus-

quement le petit chemin qui mène au presby-
tère. Ce virement soudain éveilla mon atten-
tion et je reconnus l’auto qui avait emmené,
en cette fin d’été, la jeune fille à l’ours auprès
de son père consolé.
Il était donc vrai le dire du domestique du
château. L’événement annoncé se préparait-il
réellement ? Je résolus de le savoir.
En prenant par le chemin de traverse, j’ar-
rivai au presbytère, à l’instant même où l’auto
stoppait en face de la grille qui s’ouvrit pres-
que aussitôt. Les personnages semblaient at-
tendus ; la bonne, radieuse, ouvrit largement
cette porte qu’elle tient d’ordinaire entrebâil-
lée prudemment lorsque un coup de sonnette
timide ou maladroit annonce un rôdeur ou un
inconnu.
Ce matin, sous son bonnet blanc bordé d’une
courte dentelle, la vieille dame rayonnait ; elle
avait voué une affection véritable à la jeune
fille à l’ours aux jours de sa vie errante. Dans
le jardin, le bon curé se pressait, lui aussi,
vers ses hôtes. Pour ne point les faire attendre
il avait quitté prestement ses ruches qui oc-
cupent ses premiers loisirs du matin.
Déjà Marguerite, devançant les prévenan-
ces du chauffeur empressé vers la portière,
avait sauté sur le gazon encore humide et ten-
dant la main à son père l’aidait à descendre
de la limousine. A son bras elle gravit les
quelques marches qui les séparaient de la grille.
Là, elle se jeta dans les bras de sa bienfaitrice.
Le bon curé visiblement ému de cette visite,
serra les mains qui se tendaient tandis que la
vieille dame essuyait furtivement une larme.
Le groupe disparut dans le jardin.
Il fallait approcher, moi aussi, pour en-
tendre ces voix et contenter ma curiosité. Ma
mère m’a souvent grondé de cette indiscrétion
qui me porte à tout savoir ; elle trouve indé-
licate cette manière de me faufiler auprès des

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