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Le dessin à l'école et dans la famille: revue d'éducation esthétique — 1.1922/​1923

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[juin 1923]
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https://doi.org/10.11588/diglit.43073#0294
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habitations des hommes et de surprendre leurs
causeries, sans compter, dit-elle, que je m’ex-
pose aux pires malheurs. Mais un lapin de ga-
renne est-il tenu aux bienséances sociales et
quel usage nuisible peut-il faire des secrets
ainsi surpris ? Cette fois il s’agissait d’appren-
dre la date du baptême de la cloche et de vé-
rifier les ouï-dire. Sans scrupule je me faufilai,
par le jardin, sous les fenêtres du petit salon.
La voix claire et harmonieuse de Marguerite
se mêlait à la voix de son père et du bon curé,
comme la cloche argentine de l’Angélus aux
sons plus graves de ses sœurs qui chantent avec
elles dans le clocher. J’entendis.
— Oh ! oui, Monsieur le Curé, pour la Noël.
On la nommera Marguerite-Henriette... Oui,
ce sera bien gentil, tous vos enfants de chœur
en beau surplis et les oriflammes en cordon
dans l’allée des marronniers.
Evidemment on réglait les détails de la fête.
J’étais fixé ; il ne m’importait pas d’en ap-
prendre davantage pour le moment et je me
retirai.
En passant devant la maison de mère Sé-
raphine, je ne vis point la vieille infirme, mais
dans le jardinet j’entendis des voix. Louise
causait avec Chariot. Celui-ci profitait d’un
quart d’heure de liberté pour bêcher un par-


terre avant les gelées. Ainsi, expliquait-il, les
larves malfaisantes périront sous le froid et au
printemps, la terre mieux aérée, produira de

plus beaux petits pois. Le sujet m’intéressait
peu ; je m’enfuis en faisant un crochet vers la
ferme. Je voulus revoir tous mes amis. Là,
c’était le travail ordinaire du début de la mau-
vaise saison. Les domestiques couvraient de
terre de larges silos où les betteraves fourragè-
res entassées sont gardées à l’abri des intem-
péries. On les y retrouvera en hiver pour
varier le menu des bestiaux, et les vaches gou-
lues tendront, vers la pitance, une langue
avide lorsque les garçons de ferme apporteront,
dans des paniers, la précieuse conserve.
Dans la cour, la gent volatile picorait pai-
siblement. Par la porte entr’ouverte de la cui-
sine j’entrevis Andrée qui servait le déjeuner
d’un joli petit chat. Il me parut intéressant
le minet. Avec des airs prudents il avançait son
museau rose vers une large écuelle d’où mon-
tait une appétissante odeur de lait chaud.
Andrée l’encourageait avec des paroles cares-
santes. Il s’approcha du bol et ce fut la mi-
mique habituelle à sa race. J’entendis le cla-
potis de la tiède boisson qu’il happait, à
coups rapides, de sa petite langue.
Andrée le regardait avec plaisir, murmurant
ces vers du poète qu’elle avait relus sans doute
à l’intention de son minet.
<t II boit, bougeant la queue, et sans faire une pause,
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu’il a passé sa langue rêche et rose
Partout, bien proprement débarbouillé le plat.
Alors il se pourléche un moment les moustaches
Avec l’air étonné d’avoir déjà fini,
Et comme il s’aperçoit qu’il s’est fait quelques taches
Il se lisse à nouveau, lustre son poil terni1. »
L’écuelle était vide. Andrée prit le petit
chat qu’elle déposa dans une corbeille et se
remit, avec sa mère, aux soins du ménage.
Je m’éloignai, le cœur un peu gros. Inquiet
soudain du souci que ma longue absence pou-
vait causer à ma mère, je pris ma course à
travers le taillis. On m’attendait avec quelque
anxiété, d’autant plus que le matin même on
avait vu rôder Jean-Pierre le braconnier, avec
son Pataud, dans le chemin creux qui longe le
bois.
Bientôt la trompe d’une auto résonnait à
l’entrée du château. Louise et son père qu’ac-
compagnait cette fois le bon curé venaient
prendre, auprès du châtelain, les derniers ar-
rangements pour la cérémonie projetée.
(A suivre). Jeannot.
1. E. Rostand. Le petit chat.

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