Gazette archéologique: revue des Musées Nationaux (12.1887)

LE RELIQUAIRE DE LA VRAIE CROIX.

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subsiste d'ailleurs que des fragments. Il y avait également un tableau de ce genre
autrefois à la Sainte-Chapelle du Palais, à Paris1, un autre à l'abbaye de Grandmont1 2 3, un
à Clairvaux9, et Go ri a publié ceux de Cortone4 et de Murano5; un dernier en fut donné
à la Scuola dellct Carità de Venise, en 1463, par le cardinal Bessarion6; il se trouve
aujourd’hui à la Sehatz Kammer de Vienne. On pourrait, à la rigueur, ranger dans cette
classe le beau reliquaire de l’église Saint-Mathias de Trêves, plusieurs fois publié, si
ce dernier n’était pas absolument de facture occidentale 7 et ne rappelait que par sa
forme les reliquaires venus de Byzance.

Si je mentionne tous ces tableaux, ce n’est point dans l’intention de faire de chacun
d’eux une étude particulière, mais simplement pour montrer que le reliquaire de Gran,
qui n’est d’ailleurs pas inédit, mais n’a jamais été très fidèlement gravé, appartient à un
groupe important de monuments byzantins. De plus, je crois devoir insister sur sa
provenance probable, qui me paraît augmenter l’intérêt de ce reliquaire. Cette origine,
déjà indiquée par C. de Linas8, paraît être ignorée en Hongrie. C’est une raison pour la
signaler à nouveau.

S’il n'atteint pas à la beauté de la splendide croix en or émaillé qui a appartenu à
Mathias Corvin, le reliquaire de la Vraie Croix du Trésor de Gran n’est cependant pas
dépourvu d’intérêt ni même de valeur artistique. Les émaux en sont finement exécutés,
les attitudes des personnages très passables, les ornements de la bordure fort délicats.
Le tableau tout entier composé de plaques d’or et d’argent doré, clouées sur une âme de
bois de chêne, mesure Üm 350 de haut sur 0ra 250 de large9. La partie centrale, de forme
rectangulaire est entourée d’une large bordure estampée et repoussée ; elle enchâsse en
son centre une croix de bois à double traverse; c’était sur cette croix, bordée de bandes
d’émaux cloisonnés semés de croisettes, qu’était autrefois fixée la relique. La décoration
de ce compartiment central est divisée en trois parties ou registres par des bandeaux
d’émail cloisonné dont le dessin a été maintes fois reproduit par les artistes byzantins.
Dans le registre supérieur on voit deux anges à mi-corps, les ailes éployées, les mains
étendues, pleurant; au deuxième registre, sont représentées à gauche et à droite delà
croix les figures traditionnelles de Constantin et de sainte Hélène, que désignent les
inscriptions :

1. Morand, Histoire de la Sainte Chapelle, p. 44.

2. Texier, Dictionnaire d'orfèvrerie, col. 834 et suiv.

3. D’Arbois de Jubainviile, Revue des Soc. sav. 5e série,
t. V, p. 497.

4. Gori, Thésaurus veterum diptychorum, t. III, p. 129

et suiv.; pl 18, 19. Le reliquaire de Cortone, absolument

semblable de forme aux autres, est en ivoire.

3. Ibid\, III. p. 137, pl. 20. — Le reliquaire de Murano

est également dessiné dans le recueil manuscrit de Gravem-

broch, conservé au Musée Correr à Venise, t. I, folio 2.

6. Dessiné par Gravembroch, ms. cité, t. III, folio 4;
Publié dans Pasini, Tesoro di San Marco in Venezia, Appen-
dice IL

7. Didron , Annales archéologiques, t. XIX. — L.
Palustre et Barbier de Montault, Le Trésor de Trêves,
pl. xxi-xxv.

8. Origines de l'orfèvrerie cloisonnée, I, 350.

9. D1’Josef Danko, publication photographique du Trésor
de Gran : Ceschichtliches beschreibcndes und urkundliches
aus dem Graner Domschatze, Gran, 1880, in-folio.