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Gazette archéologique: revue des Musées Nationaux — 12.1887

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Courajod, Louis: Quelques sculptures en bronze de Filarete, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25011#0326

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QUELQUES SCULPTURES EN BRONZE DE FILARETE.

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traînent incompris et méprisés dans nos collections jusqu’au jour où un trait de lumière
les replace en honneur. C’est en vain que j’avais demandé aux collections publiques et
privées de l’Europe de me montrer un de ces soufflets bien conforme à la description
fournie par l’artiste, ami de Côme de Médicis, ou à celle de l’agent comptable de René.
Je viens enfin de le rencontrer à Venise, au bas d’une armoire du Musée Correr, où M. le
chevalier Bertoldi, conservateur du Musée, m’a gracieusement permis de le faire photo-
graphier. C’est une tête ou un buste de nègre reproduit par notre planche et travaillé par
le procédé du repoussé.

L’objet répond à la fois à la description du comptable de René, quant à la forme, et à
celle de IRlarete, quant à l’expression de la tête, quant à l’économie de la construction
et quant à l’explication du principe physique si ingénieusement utilisé. C’est bien là une
tête qui souffle le feu à l’aide de la vapeur d’eau, ainsi que l’appellent les Comptes de
René en 1448. L’expression de ce More est bien celle du Putto che gionfava le gote. Il
est creux, vuoto, sans aucune fissure, bene scdclo, et mince, soltile. Le vase n’a qu’une
seule ouverture et fort petite. C’est le trou de la bouche. Aucune trace d’anse, de goulot,
ni de robinet; pas d’assimilation possible à un aquamanile.

Il est donc indiscutable que la pièce curieuse que nous avons découverte à Venise est
en rapports étroits avec l’invention de Filarete. Faut-il aller plus loin et attribuer, dans
une certaine mesure, à l’auteur des portes de bronze de Saint-Pierre, Inexécution elle-
même de l’ustensile conservé au Musée Correr? Nous sommes portés à le faire, et voici
pourquoi :

Le travail est certainement fort ancien et appartient beaucoup plutôt au milieu qu’à la
fin du xve siècle. Les procédés de décoration mis en usage pour agrémenter la robe du
jeune More sont ceux qui étaient pratiqués par Filarete. Ce grand rinceau de feuillage,
on le voit s’épanouir sur l’encadrement des portes de Saint-Pierre. Ce granulé du fond,
destiné à faire ressortir les feuilles du rinceau, est une formule bien familière à Filarete
qui l’a employée dans tous ses ouvrages, à sa médaille, sur le casque de la petite statue
équestre de Marc-Aurèle, et, avant tout, sur la plaque de la collection d’Ambras, à Vienne,
qui est bien certainement de lui. Enhn, nous ne pouvons nous empêcher de faire remar-
quer qu’une semblable « tète qui souffle le feu » a été vendue à René par un Italien, et
que cette tête, si conforme sur sa description à la tête de More du Musée Correr, avait été
rapportée de Rome. Or, vers 1448, Filarete travaillait à Rome aux portes de Saint-Pierre
et, dès lors, rien n’est plus vraisemblable que de supposer que des têtes semblables à
celles du Musée Correr ont pu être fabriquées à Rome par l’atelier de Filarete. Nous
savons, du reste, et par les écrits du sculpteur et par les inscriptions d’un bas-relief de la
porte de bronze du Vatican, que Filarete avait autour de lui une école et qu’il était un
véritable entrepreneur de travaux.

Louis COURAJOD.
 
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