UNE PEINTURE HISTORIQUE DE JEAN FOUCQUET 71
de vie dans leur dimension exiguë, et marqués chacun d’un caractère d’individualité
si accentué.
La figure du roi, placée au centre de la composition, attire avant tout les regards.
Le portrait d’un homme tel que Louis XI, tracé par le pinceau d’un maître de la valeur
de Jean Foucquet, ne peut être évidemment qu’un morceau du plus haut intérêt. Il est
d’autant plus digne d’attention, qu’il sort des données ordinaires dans lesquelles sont
conçues les autres images de ce souverain. Celles-ci nous montrent, sous des traits
devenus légendaires, le roi Louis XI des dernières années, le Louis XI de Plessis-lès-
Tours, fléchissant déjà sous les atteintes d’une sénilité précoce. Foucquet, au contraire,
a peint le souverain, encore dans toute la vigueur de l’âge1, en pleine possession de ses
puissantes facultés, au plus fort de sa lutte contre la maison de Bourgogne et les grands
vassaux. D’autre part, le roi est ici vu de face, tandis que presque partout ailleurs il est
tourné de profil ou de trois quarts, de manière à accentuer le long nez qui faisait le trait
saillant de sa physionomie 2, et on sait combien un même visage peut parfois offrir des
aspects différents suivant l’angle sous lequel on le considère.
Mais ce n’est pas seulement l’intérêt, c’est l’admiration que mérite le Louis XI de
Foucquet. Toute cette petite figurine est posée, dessinée et peinte avec un art consommé.
En dehors de la place qui lui est réservée, rien, à première vue, n’indique le souverain.
Le roi porte les mêmes insignes que les autres chevaliers de l’Ordre, et ses vêtements,
comme son bonnet, sont taillés sur des patrons identiques. Pour ne pas mentir à la
vérité historique, Foucquet a rejeté l’emploi de ces accessoires d’une signification trop
banale, couronnes, sceptres, manteaux bleus fleurdelisés, que la plupart des enlumineurs
ne manquent pas d’employer quand ils ont à introduire un roi de France dans une
miniature. Et, cependant, comme tout dans le personnage révèle le maître, le plus grand
de tous, depuis la tête légèrement rejetée en arrière, depuis le visage aux lèvres minces
et dédaigneuses, jusqu’à ces mains dont le geste si simple marque cependant si bien
l’énergie! Le visage est traité avec tant de vigueur et de fermeté, qu’il peut supporter
une épreuve à laquelle peu de miniatures résistent sérieusement. Il gagne à être
1. Né en 1423 , il était encore assez loin de sa cin-
quantième année quand Foucquet l’a peint.
2. Il y aurait trop à dire sur l’iconographie de
Louis XI, que la miniature du manuscrit français
198 19 de la Bibliothèque nationale vient enrichir d’un
si précieux monument. Je me contenterai de faire
remarquer que les dessinateurs et graveurs des trois
derniers siècles ont généralement exagéré certains
traits du visage, et surtout la proportion du « netz
longuet et un petit hault » jusqu’à tomber dans la
caricature. Ces traits sont beaucoup moins accentués
dans les représentations les plus anciennes et les plus
dignes de foi, comme le sont, sans parler de notre
miniature, la médaille de Francesco Laurana et le
croquis envoyé à maître Colin d’Amiens pour servir à
l’exécution de la sépulture du roi. (Ce croquis, dont
l’original est conservé à la Bibliothèque nationale, a
été gravé dans l’édition des Mémoires de Gommynes
donnée par Mlle Dupont pour la Société de l’Histoire
de France, III, p. 340, et reproduit dans' Quicherat,
Histoire du costume, p. 294.)
de vie dans leur dimension exiguë, et marqués chacun d’un caractère d’individualité
si accentué.
La figure du roi, placée au centre de la composition, attire avant tout les regards.
Le portrait d’un homme tel que Louis XI, tracé par le pinceau d’un maître de la valeur
de Jean Foucquet, ne peut être évidemment qu’un morceau du plus haut intérêt. Il est
d’autant plus digne d’attention, qu’il sort des données ordinaires dans lesquelles sont
conçues les autres images de ce souverain. Celles-ci nous montrent, sous des traits
devenus légendaires, le roi Louis XI des dernières années, le Louis XI de Plessis-lès-
Tours, fléchissant déjà sous les atteintes d’une sénilité précoce. Foucquet, au contraire,
a peint le souverain, encore dans toute la vigueur de l’âge1, en pleine possession de ses
puissantes facultés, au plus fort de sa lutte contre la maison de Bourgogne et les grands
vassaux. D’autre part, le roi est ici vu de face, tandis que presque partout ailleurs il est
tourné de profil ou de trois quarts, de manière à accentuer le long nez qui faisait le trait
saillant de sa physionomie 2, et on sait combien un même visage peut parfois offrir des
aspects différents suivant l’angle sous lequel on le considère.
Mais ce n’est pas seulement l’intérêt, c’est l’admiration que mérite le Louis XI de
Foucquet. Toute cette petite figurine est posée, dessinée et peinte avec un art consommé.
En dehors de la place qui lui est réservée, rien, à première vue, n’indique le souverain.
Le roi porte les mêmes insignes que les autres chevaliers de l’Ordre, et ses vêtements,
comme son bonnet, sont taillés sur des patrons identiques. Pour ne pas mentir à la
vérité historique, Foucquet a rejeté l’emploi de ces accessoires d’une signification trop
banale, couronnes, sceptres, manteaux bleus fleurdelisés, que la plupart des enlumineurs
ne manquent pas d’employer quand ils ont à introduire un roi de France dans une
miniature. Et, cependant, comme tout dans le personnage révèle le maître, le plus grand
de tous, depuis la tête légèrement rejetée en arrière, depuis le visage aux lèvres minces
et dédaigneuses, jusqu’à ces mains dont le geste si simple marque cependant si bien
l’énergie! Le visage est traité avec tant de vigueur et de fermeté, qu’il peut supporter
une épreuve à laquelle peu de miniatures résistent sérieusement. Il gagne à être
1. Né en 1423 , il était encore assez loin de sa cin-
quantième année quand Foucquet l’a peint.
2. Il y aurait trop à dire sur l’iconographie de
Louis XI, que la miniature du manuscrit français
198 19 de la Bibliothèque nationale vient enrichir d’un
si précieux monument. Je me contenterai de faire
remarquer que les dessinateurs et graveurs des trois
derniers siècles ont généralement exagéré certains
traits du visage, et surtout la proportion du « netz
longuet et un petit hault » jusqu’à tomber dans la
caricature. Ces traits sont beaucoup moins accentués
dans les représentations les plus anciennes et les plus
dignes de foi, comme le sont, sans parler de notre
miniature, la médaille de Francesco Laurana et le
croquis envoyé à maître Colin d’Amiens pour servir à
l’exécution de la sépulture du roi. (Ce croquis, dont
l’original est conservé à la Bibliothèque nationale, a
été gravé dans l’édition des Mémoires de Gommynes
donnée par Mlle Dupont pour la Société de l’Histoire
de France, III, p. 340, et reproduit dans' Quicherat,
Histoire du costume, p. 294.)