1', GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
un peu du sang qui avait bouillonné dans colle de Géricault. Historien de
batailles, il avait voulu apprendre à « tuer son homme : » dès ce jour-
là, il le sut.
Mais l'étude du cadavre n'en disait pas encore assez à son ardent
esprit. 11 lui fallait voir les grands spectacles de la lutte, il fallait qu'il
les admirât, dans l'accès de leur fièvre inspirée, ces soldats qu'il aimait
tant. En 1832, il eut la curiosité, instructive pour tous et surtout pour
un artiste tel que lui, d'assister au siège d'Anvers. Il y fit beaucoup de
croquis, et il en rapporta de nombreux souvenirs qu'il utilisa l'année
suivante. La série des lithographies relatives à la prise d'Anvers ne fut
exposée qu'au Salon de 1835, une des rares expositions où le nom de
Raflet ait figuré au livret. Le succès fut, non pas populaire (Raflet ne l'a
jamais été autant qu'on l'a dit), mais, du moins, il fut digne de sa ten-
tative. Ces dessins impressionnèrent vivement les juges délicats et mon-
trèrent bien que l'artiste émancipé s'éloignait, de plus en plus, des régions
vulgaires où l'autorité de l'exemple et l'inintelligence du public l'avaient
un moment retenu. A partir de cette époque, en effet, il sent sa force et
voit clairement le but. La Batterie cie brèche, les Français prenant pos-
session de la Tête de Flandre, la Lunette Saint-Laurent, sont des com-
positions d'une vérité parfaite, d'une exécution savante où les noirs et
les blancs contrastent dans une charmante harmonie : ce sont, à bien
dire, de larges tableaux pleins d'air et de lumière, où le ciel, les eaux,
le paysage enfin s'associent au drame humain et le complètent.
Dès ce moment, le crayon de Raffet, s'affermissant par le succès même,
n'a plus connu les défaillances. Une nouvelle veine vint bientôt s'ajouter
au riche filon qu'il exploitait. La librairie illustrée essayait alors ses pre-
mières publications. Elle ne fit que son devoir en songeant à cette main
habile et toujours prête au travail. Les Douze journées de la Révolution,
Napoléon en Egypte, la Némésis s'enrichirent des inspirations de Raffet, et
ces livres,, plusieurs fois réimprimés, accrurent la réputation de l'artiste.
Chacun connaît les vignettes dont il les illustra : la seule chose que nous
ayons à rappeler à ce propos, c'est que ses croquis n'ont pas toujours été
bien traduits, et que les graveurs chargés de les interpréter ont plus
d'une fois altéré le caractère de ses types. Mais le Raffet que nous connais-
sons se retrouve dans l'heureux agencement des groupes, dans la clarté
précise des mouvements militaires, dans ces scènes d'insurrection si
tumultueusement emmêlées, et surtout dans la figure allégorique qui, au
frontispice de la Némésis, chevauche, rapide, exaltée, vengeresse, tan-
dis qu'au plus haut du ciel les âmes altérées d'idéal suivent dans son vol ,
une apparition radieuse. Ici, Raflet se présente à nous avec un caractère
un peu du sang qui avait bouillonné dans colle de Géricault. Historien de
batailles, il avait voulu apprendre à « tuer son homme : » dès ce jour-
là, il le sut.
Mais l'étude du cadavre n'en disait pas encore assez à son ardent
esprit. 11 lui fallait voir les grands spectacles de la lutte, il fallait qu'il
les admirât, dans l'accès de leur fièvre inspirée, ces soldats qu'il aimait
tant. En 1832, il eut la curiosité, instructive pour tous et surtout pour
un artiste tel que lui, d'assister au siège d'Anvers. Il y fit beaucoup de
croquis, et il en rapporta de nombreux souvenirs qu'il utilisa l'année
suivante. La série des lithographies relatives à la prise d'Anvers ne fut
exposée qu'au Salon de 1835, une des rares expositions où le nom de
Raflet ait figuré au livret. Le succès fut, non pas populaire (Raflet ne l'a
jamais été autant qu'on l'a dit), mais, du moins, il fut digne de sa ten-
tative. Ces dessins impressionnèrent vivement les juges délicats et mon-
trèrent bien que l'artiste émancipé s'éloignait, de plus en plus, des régions
vulgaires où l'autorité de l'exemple et l'inintelligence du public l'avaient
un moment retenu. A partir de cette époque, en effet, il sent sa force et
voit clairement le but. La Batterie cie brèche, les Français prenant pos-
session de la Tête de Flandre, la Lunette Saint-Laurent, sont des com-
positions d'une vérité parfaite, d'une exécution savante où les noirs et
les blancs contrastent dans une charmante harmonie : ce sont, à bien
dire, de larges tableaux pleins d'air et de lumière, où le ciel, les eaux,
le paysage enfin s'associent au drame humain et le complètent.
Dès ce moment, le crayon de Raffet, s'affermissant par le succès même,
n'a plus connu les défaillances. Une nouvelle veine vint bientôt s'ajouter
au riche filon qu'il exploitait. La librairie illustrée essayait alors ses pre-
mières publications. Elle ne fit que son devoir en songeant à cette main
habile et toujours prête au travail. Les Douze journées de la Révolution,
Napoléon en Egypte, la Némésis s'enrichirent des inspirations de Raffet, et
ces livres,, plusieurs fois réimprimés, accrurent la réputation de l'artiste.
Chacun connaît les vignettes dont il les illustra : la seule chose que nous
ayons à rappeler à ce propos, c'est que ses croquis n'ont pas toujours été
bien traduits, et que les graveurs chargés de les interpréter ont plus
d'une fois altéré le caractère de ses types. Mais le Raffet que nous connais-
sons se retrouve dans l'heureux agencement des groupes, dans la clarté
précise des mouvements militaires, dans ces scènes d'insurrection si
tumultueusement emmêlées, et surtout dans la figure allégorique qui, au
frontispice de la Némésis, chevauche, rapide, exaltée, vengeresse, tan-
dis qu'au plus haut du ciel les âmes altérées d'idéal suivent dans son vol ,
une apparition radieuse. Ici, Raflet se présente à nous avec un caractère