108 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Quant au second Jordaens, le Sommeil d'Antiopc (n*85), je crains bien
que M. George, qui Ta cédé à la ville en 1852, ne se soit trompé en l'at-
tribuant à l'élève de Rubens. Ge n'est ni de Jordaens, ni de personne.
Je ne voudrais pas trop faire la chasse aux attributions, mais je doute
fort que le tableau Un Chat et un Chien se disputant dans une cuisine
(n° 100) soit l'œuvre de Sneyders, à qui le livret en fait honneur. J'y
reconnaîtrais bien plutôt la touche froide et exercée de Paul de Vos, dont
tant d'œuvres ont été si souvent prises pour des Sneyders; ce qui prouve
* du moins que ce n'était pas un artiste sans talent.
Deux autres élèves de Rubens, Simon de Yos et Yan Thulden, sont
représentés, le premier par un Portrait de jeune homme (n° 109), jolie et
vigoureuse esquisse; le second par une Composition mystique (n° lOZi) et
par les Parques et le Temps (n° 105), œuvres estimables dont le seul mérite
est de se ressentir de l'influence de Rubens. Ils ressemblent à des ta-
bleaux du maître vus à travers une vitre dépolie. La Composition mystique
est signée Tlieod. Van. Thulden fec. Ait d 6Z|7. Elle figure au nombre des
dix-sept tableaux réunis par M. Jay le 7 ventôse an vu, et ornait avant la
Révolution l'église des Mathurins de la rue Saint-Jacques.
Je me suis souvent demandé si Rubens était de bonne foi en profes-
sant pour Gaspard de Grayer l'admiration que la tradition lui prête, ou
bien si c'était seulement chez lui affaire de politesse. Je pencherais pour
cette dernière opinion. Pour des yeux modernes, le seul mérite des œuvres
de Grayer est d'être plus accentuées et par conséquent de ressembler
plus à des Rubens qu'à des Yan Thulden. C'est beaucoup; ce n'est pas
assez. Quoiqu'il en soit, des deux tableaux de cet artiste, un seul, le Mar-
tyre de Sainte Catherine (n° 70), m'a paru digne d'attention. Pour Grayer,
c'est une toile excellente, égale au moins au Saint Augustin en extase du
Louvre. Le guerrier à cheval placé à gauche rappelle, par l'élégance du
port et la finesse de la couleur, le beau Saint Martin de Saventheim de
Yan Dyck. Ge tableau, qui faisait partie de l'envoi de l'an vu, est porté
sur l'inventaire comme copie de Grayer et sous la dénomination de Mar-
tyre de Sainte Barbe, titre qui concorde mieux avec les traditions du
martyrologe chrétien. En effet, l'instrument du supplice de sainte Cathe-
rine est une roue dentée, et rien ne la rappelle dans ce tableau; tandis
que l'histoire ecclésiastique nous apprend que sainte Rarbe eut la tête
tranchée par son père pour avoir refusé de sacrifier aux dieux du paga-
nisme. Or, le tableau représente précisément un bourreau se préparant
à couper la tête d'une sainte agenouillée devant lui. Cette érudition n'a
d'autre but que de restituer à sainte Rarbe ce qui n'appartient pas à sainte
Catherine : cuique suum.
Quant au second Jordaens, le Sommeil d'Antiopc (n*85), je crains bien
que M. George, qui Ta cédé à la ville en 1852, ne se soit trompé en l'at-
tribuant à l'élève de Rubens. Ge n'est ni de Jordaens, ni de personne.
Je ne voudrais pas trop faire la chasse aux attributions, mais je doute
fort que le tableau Un Chat et un Chien se disputant dans une cuisine
(n° 100) soit l'œuvre de Sneyders, à qui le livret en fait honneur. J'y
reconnaîtrais bien plutôt la touche froide et exercée de Paul de Vos, dont
tant d'œuvres ont été si souvent prises pour des Sneyders; ce qui prouve
* du moins que ce n'était pas un artiste sans talent.
Deux autres élèves de Rubens, Simon de Yos et Yan Thulden, sont
représentés, le premier par un Portrait de jeune homme (n° 109), jolie et
vigoureuse esquisse; le second par une Composition mystique (n° lOZi) et
par les Parques et le Temps (n° 105), œuvres estimables dont le seul mérite
est de se ressentir de l'influence de Rubens. Ils ressemblent à des ta-
bleaux du maître vus à travers une vitre dépolie. La Composition mystique
est signée Tlieod. Van. Thulden fec. Ait d 6Z|7. Elle figure au nombre des
dix-sept tableaux réunis par M. Jay le 7 ventôse an vu, et ornait avant la
Révolution l'église des Mathurins de la rue Saint-Jacques.
Je me suis souvent demandé si Rubens était de bonne foi en profes-
sant pour Gaspard de Grayer l'admiration que la tradition lui prête, ou
bien si c'était seulement chez lui affaire de politesse. Je pencherais pour
cette dernière opinion. Pour des yeux modernes, le seul mérite des œuvres
de Grayer est d'être plus accentuées et par conséquent de ressembler
plus à des Rubens qu'à des Yan Thulden. C'est beaucoup; ce n'est pas
assez. Quoiqu'il en soit, des deux tableaux de cet artiste, un seul, le Mar-
tyre de Sainte Catherine (n° 70), m'a paru digne d'attention. Pour Grayer,
c'est une toile excellente, égale au moins au Saint Augustin en extase du
Louvre. Le guerrier à cheval placé à gauche rappelle, par l'élégance du
port et la finesse de la couleur, le beau Saint Martin de Saventheim de
Yan Dyck. Ge tableau, qui faisait partie de l'envoi de l'an vu, est porté
sur l'inventaire comme copie de Grayer et sous la dénomination de Mar-
tyre de Sainte Barbe, titre qui concorde mieux avec les traditions du
martyrologe chrétien. En effet, l'instrument du supplice de sainte Cathe-
rine est une roue dentée, et rien ne la rappelle dans ce tableau; tandis
que l'histoire ecclésiastique nous apprend que sainte Rarbe eut la tête
tranchée par son père pour avoir refusé de sacrifier aux dieux du paga-
nisme. Or, le tableau représente précisément un bourreau se préparant
à couper la tête d'une sainte agenouillée devant lui. Cette érudition n'a
d'autre but que de restituer à sainte Rarbe ce qui n'appartient pas à sainte
Catherine : cuique suum.