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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 19.1865

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Blanc, Charles: Grammaire des arts du dessin, 3, Peinture, 4-7
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https://doi.org/10.11588/diglit.18741#0075

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70

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

de finesse et d’harmonie à se faire pardonner ce qu’il voulait nous
faire admirer.

Dès qu’il choisit un sujet de peinture, l’artiste doit songer aux moyens
pittoresques et se défier des beautés littéraires qui l’auraient séduit dans
les livres ou les récits qui l’auraient inspiré. Ce qu’un peintre doit em-
prunter d’un poète, ce n’est pas ce qu’il aura lu dans ses poésies, mais
ce qu’il y aura vu; c’est l’idée vivante et agissante; c’est le sentiment
quand il devient mouvement.

Je suppose qu’un peintre veuille exprimer ce qu’il aura entendu dire
ou ce qu’il aura pensé lui-même : que Voltaire est la personnification du
xvine siècle; que tout procède de son génie et que tout va s’y absorber ;
qu’il est le centre d’où partent et où aboutissent tous les rayons de la
philosophie... Comment s’y prendra-t-il pour donner une forme pitto-
resque cà une idée aussi métaphysique, aussi abstraite? Un artiste qui
excelle à inventer a résolu ce problème de la façon la plus heureuse, la
plus admirable, dans un des cartons qui lui avaient été commandés par
l’État, en 18A8, pour la décoration monumentale du Panthéon français.
Ce carton représente Y Escalier de Voltaire. On y voit monter et des-
cendre tous les philosophes du temps, tous les grands de l’intelligence
(à l’exception de Rousseau qui dans le xviue siècle fut le précurseur du
nôtre). Placé au plus haut de son escalier, Voltaire reconduit un des visi-
teurs, d’Alembert, auquel il remet un article pour Y Encyclopédie. Sur
les premières marches, Diderot attend la fin des adieux pour amener
d’Alembert. De la sorte sont formulées en vives images, en figures par-
lantes, des spéculations de l’esprit qu’on aurait pu croire étrangères à la
peinture, et c’est par ses moyens propres que la peinture les a expri-
mées, en les rendant visibles, en leur donnant un corps.

Dans cette même série de cartons où abonde l’invention pittoresque,
et qui devaient former une histoire universelle et palingénésique du genre
humain, l’auteur, Paul Chenavard, avait consacré une des plus grandes
compositions à peindre les obscurs commencements du christianisme
lorsque le dieu nouveau sapait sourdement la puissance de Rome païenne.
Cette vaste scène est divisée en deux zones horizontales. Dans la zone
supérieure remplie de soleil, passe le pompeux et bruyant cortège d’un
César triomphant, avec ses licteurs, ses officiers, ses trophées, ses pri-
sonniers vaincus, ses aigles et ses éléphants. La zone inférieure, au con-
traire, obscure et silencieuse, représente les premiers chrétiens en prière
dans les Catacombes, qu’ils ont creusées comme une tombe sous les pas
du triomphateur, et dans lesquelles viendra bientôt s’effondrer l’empire
romain. Il est impossible de raconter plus clairement et plus vivement
 
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