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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 19.1865

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Nr. 2
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Jacquemart, Albert: Benjamin Fillon, L'art de terre chez les Poitevins: [Rezension]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18741#0143

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136

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

désirer, et les dispensateurs de la gloire faisaient souvent de l’art un moyen de luxe
et une manifestation d’orgueil.

La décoration aurait continué ensuite à suivre pas à pas les caprices de la mode :
froide et compassée sous Louis XIV, elle prendrait, sous la Régence, des allures pim-
pantes et grivoises pour déchoir, avec Louis XVI, dans la putréfaction de l’art.

On ne saurait nier l’influence des mœurs générales sur le goût d’une époque, mais
les choses ne marchent pas avec la rapidité que leur prête M. Benjamin Fillon ; et, sur
quelques points, les convictions de cet écrivain nous paraissent avoir égaré sa justice.

Tout prouve que, dans les arts, les transformations sont lentes à se produire :
l’éblouissante clarté du xvi° siècle a été préparée par le retour vers le goût antique,
de quelques génies du xv% fatigués de ressasser les données ogivales. La fin de la
brillante école italienne montre déjà les coquilles et les combinaisons linéaires qui
caractériseront l’époque de Louis XIV; l’art chinois même lui fournit quelques
rocailles, embryons des chicorées Louis XV; et l’affreux style de cette dernière
période n’est, à vrai dire, qu’une importation orientale; en sorte que « cette robe Pom-
padour, sous les plis de laquelle la courtisanerie aurait contribué à étouffer le goût, »
n’est pas une invention française; la favorite artiste subissait la mode et ne l’inspi-
rait pas.

Quant à Louis XVJ, pourquoi nier ses efforts pour ramener l’art dans une voie
honnête et pure? Quoi, ce serait la putréfaction do l’art, ce retour si ingénu, mais si
fervent vers les traditions antiques? Salembier, cherchant à rendre à l’acanthe ses déli-
catesses, à retrouver le rinceau gracieux des temples grecs, devrait être relégué
au-dessous de ceux qui chiffonnaient les odieuses chicorées de Louveciennes. Non, si,
comme le prétend M. Fillon avec Jules Renouvier, il existe un art révolutionnaire,
celui-ci est le fils légitime de cette renaissance interrompue. Il ne faut pas oublier
que les terres cuites antiques, bases du musée céramique de Sèvres, ont été données
par Louis XVI à la manufacture pour hâter la restauration du goût.

Obéissant à leurs tendances positives, les hommes datent la naissance de leurs
enfants du jour où ceux-ci paraissent à la lumière; mais ces enfants comptent alors
neuf mois d’une gestation laborieuse, et le moule qui les a formés a plus d’influence
encore sur leur constitution que le sein qui leur fournira son lait. Il en est de même
des idées; elles n’éclosent pas spontanément comme la Minerve, fille de Jupiter. La
société qui leur donne le jour, en a prolongé plus ou moins longtemps l’incubation,
inconsciente souvent de leur véritable père, mais intelligente toujours pour les pro-
duire au moment où elles sont viables. Voilà ce qu’on ne doit pas oublier dans la
physiologie de l’art: donc, point d’ingratitude, point de partialité chez l’historien,
dans l’œuvre sociale comme dans la vigne évangélique, chaque ouvrier doit recevoir
son salaire.

Ceci est une digression que rendait nécessaire la notoriété d’un écrivain, tel que
M. Fillon; si nous croyons être dans le vrai, il a cru l’être également; il était indis-
pensable d’exposer les deux opinions devant ce grand jury sans appel : la conscience
publique.

Abordant le corps même du livre poitevin, nous n’avons plus guère que des
éloges à donner à cet ensemble, où nous trouvons mieux que des notes détachées.
M. Fillon y prend les œuvres du potier, dans l’ouest de la France, dès les premiers
âges do la civilisation; il suit leurs progrès, jusqu’au moment où des influences étran-
gères en modifient le style; les époques gallo-romaine et romano-gauloise lui four-
 
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