Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (19.1865)

DE QUELQUES ARTS

QUI S’EN VONT

a Photographie, la bète et vile photogra-
phie , qui voudrait bien se faire passer, et
non sans quelques semblants de titres, pour
le vrai art de notre siècle, a donné le coup
de mort, innocemment, par le fait seul de
son éclosion, à trois ou quatre arts secon-
daires, très-florissants encore la veille même
de sa naissance, et qui avaient tenu jadis
une place importante dans notre école :
je veux parler de la gravure au burin, de la lithographie et de la mi-
niature.

Je porterai, je l’avoue, très-légèrement leur deuil; tout art qui ne
sait pas subjuguer les esprits d’élite de son temps et par eux fièrement
se faire accepter par la foule n’est pas digne de vivre. S’il meurt, c’est
bien fait; les hautes aspirations des esprits, s’il leur en reste, se tradui-
ront d’autre manière. Notre siècle plus industriel encore qu’industrieux,
et qui tout en faisant grande parade de sentimentalité pour les arts est
toujours bien aise, au fond, de remplacer par une machine un noble
instrument de la cervelle humaine, a trouvé l’occasion belle pour sup-
primer, à la même heure, les graveurs, les lithographes et les miniatu-
ristes, sans parler des peintres d’architecture, au profit du joli petit
appareil des photographes ; vous êtes témoins qu’il n’y a pas manqué ; il
n’a vu, dans son jugement brutal, mécanique, parcimonieux, que des
parasites inutiles au génie de création, là où ce génie trouvait encore une
petite troupe de fidèles et zélés serviteurs; mais enfin le coup est porté,
implacable, incurable, nous n’avons plus qu’à panser les victimes.