Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (19.1865)

LE TEMPLE DE JÉRUSALEM.

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Judée, et il crut retrouver un peu partout des restes de l'architecture salomonienne.
Finalement, il publia un livre où il essaya de définir l’art judaïque et d’indiquer ses
principaux caractères.

Ce livre, plein d’ailleurs d’aperçus très-justes, laissa des doutes dans l’esprit de
plusieurs savants. M. de Vogué, entre autres, après avoir vu pour la seconde fois Jéru-
salem, pensa qu’il y fallait ajouter, ou plutôt retrancher quelque chose, et, ayant à son
tour entrepris d'étudier le sommet de ce fameux mont Moriah, il fut amené à combaltre
la plupart des assertions de son célèbre devancier. Le volume qu’il vient de publier
sur le temple de Jérusalem, qui contient le résultat de ses recherches, n’est point
cependant un ouvrage de polémique. M. de Vogué n’y relève qu’avec la plus grande
discrétion les erreurs de M. de Saulcy; c’est surtout à décrire les édifices qui ont
remplacé le monument primitif et à raconter en détail l'histoire de ses transformations
successives, qu’il a appliqué tout son talent d’archéologue et d’écrivain.

Peu d’ouvrages traitant de questions purement scientifiques sont écrits avec autant
de pureté, d’élégance et de précision. Bien peu sont aussi attachants : en vérité le terme
n’est pas trop fort. M. de Vogué expose avec une simplicité et une conviction si grandes
les motifs de ses opinions, il connaît et fait connaître si bien les procédés de l’architec-
ture antique, il possède à un si haut degré l’art de rendre les choses les plus ardues
compréhensibles au lecteur, et en même temps il donne avec tant de force et de clarté
les raisons qui l’ont amené lui-même d’une supposition à une certitude complète, qu’on
s’imagine presque, en le lisant, travailler avec lui. A première vue cependant, il semble
que cette étude, bornée à l’examen d’un seul monument, doit avoir quelque aridité.
Peut-être il en serait ainsi, en effet, si l’auteur s’était toujours renfermé dans son sujet,
et si, à propos du temple, il ne nous avait parlé que du temple. Mais, par bonheur,
grâce à la connaissance profonde qu’il a de l’antiquité, M. de Vogué soulève à chaque
instant des questions générales; il sait, des moindres faits, tirer de graves conséquences,
et quelquefois aussi jeter une vive lumière sur les pages les plus ignorées et les plus
obscures de l’histoire de l’art.

On s’imaginerait difficilement l’aspect grandiose et charmant à la fois que présente la
réunion d’édifices connue sous le nom de Haram-esch-Chériff ; elle couronne le mont
Moriah. Au centre s’élève la célèbre mosquée d’Omar, toute revêtue de faïences peintes,
dont le dôme hardi, légèrement étranglé à sa base, domine les monuments de Jéru-
salem. A gauche est la mosquée El-Aksa, bâtie sur l’emplacement d’une ancienne
basilique byzantine et formée par l’assemblage assez incohérent d’un bâtiment arabe
et d’un château des croisés; puis, entre les deux édifices, se pressent des centaines de
petits sanctuaires, les uns anciens, les autres modernes, tous différents de forme, d’or-
nementation et de style. Une double plate-forme à demi-taillée dans le rocher, à
demi-artificielle, supporte l’énorme masse de ces maçonneries. Au nord, elle est limi-
tée par un fossé large, profond et creusé dans le granit; des trois autres côtés, elle
s’appuie à des murailles dont quelques parties, non restaurées, la soutiennent depuis
plusieurs siècles. Enfin des portes antiques, véritables monuments elles-mêmes, com-
plètent cet admirable ensemble que vingt architectures différentes ont concouru à
former en s’enchevêtrant.

Un simple coup d’œil jeté sur le Haram-esch-Chériff suffit amplement pour vous
convaincre qu’il ne reste pas vestige du temple de Salomon. La place qu'il a occupée
est elle-même problématique, et dans les mosquées qui depuis font remplacé, on ne
saurait retrouver une seule pierre paraissant lui avoir appartenu. Quelques archéologues,