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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
blent monter la garde autour de la tête comme des sentinelles de la
parure. Mais le style de cette collerette ne peut convenir qu’à une per-
sonne d’un certain rang et dont les traits soient un peu marqués. Tout
autre est le caractère de la collerette Gabrielle, qui, cachant les attaches
inférieures du cou sous un nuage de gaze ou sous un ruché de linon,
forme un léger cadre au visage et ferme discrètement le nu de la poi-
trine. Qui ne voit, sans qu’on ait besoin de le dire, combien varie l’as-
pect de cet ornement féminin? Qui ne voit qu’un petit col uni et rabattu
a une physionomie de franchise, et que s’il est cassé comme celui des
garçons, ou qu’il tombe sur une cravate de collégien, il prête à la toi-
lette d’une jeune femme un air mutin qui en assaisonne la grâce?
Nous l’avons dit : ce merveilleux ouvrage qui est le corps humain,
ayant à la fois la faculté de croître comme une plante et la vertu de se
mouvoir comme un être vivant, en dépit de la résistance que lui oppose
la loi d’inertie, c’est-à-dire l’attraction, le corps humain, surtout le
corps de la femme, doit être vêtu et orné de façon à rappeler ces trois
forces : la croissance, la pesanteur et le mouvement. Pourquoi? Parce
que la beauté du corps, avec ses méplats, ses gonflements, ses dépres-
sions, dépend du combat qui s’est livré entre ces tTois forces. C’est par
allusion à la croissance de la plante humaine que les couronnes, les col-
lerettes, les colliers,.tournent autour de l’axe vertical en insistant par
leur forme annulaire sur la rondeur des parties naturellement rondes.
11 en est de même de la ceinture.
La ceinture marque la transition entre les formes montrées et les
formes cachées. Elle est comme l’anneau du corps; elle en accuse la
proportion délicate ou robuste. Mais le corps ayant deux faces princi-
pales, la bague qui l’enserre ne peut guère se passer d’un chaton. De
là des motifs sans nombre d’ornement gracieux. De là ces beaux nœuds
qui peuvent prendre tous les caractères : simplicité, magnificence,
ampleur, coquetterie, délicatesse. Tantôt c’est un chou de velours qui
ferme la ceinture, tantôt une rosace de satin d’où s’échappe, entre deux
coques, un bout flottant; tantôt c’est un nœud à longs pans qui se trans-
forme, en écharpe; tantôt un gros nœud double dont les pans larges
s’étalent en dessinant des plis rares. Quelquefois la ceinture forme une
basque qui s’étend sur les côtés et qui sert alors à étoffer les hanches.
Il va sans dire que le précieux de l’étoffe, les effilés, les franges, les
garnitures de dentelles contribuent à enrichir les nœuds de ceinture, et
qu’une femme y sait mettre, quand elle veut, un cachet de modestie ou
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
blent monter la garde autour de la tête comme des sentinelles de la
parure. Mais le style de cette collerette ne peut convenir qu’à une per-
sonne d’un certain rang et dont les traits soient un peu marqués. Tout
autre est le caractère de la collerette Gabrielle, qui, cachant les attaches
inférieures du cou sous un nuage de gaze ou sous un ruché de linon,
forme un léger cadre au visage et ferme discrètement le nu de la poi-
trine. Qui ne voit, sans qu’on ait besoin de le dire, combien varie l’as-
pect de cet ornement féminin? Qui ne voit qu’un petit col uni et rabattu
a une physionomie de franchise, et que s’il est cassé comme celui des
garçons, ou qu’il tombe sur une cravate de collégien, il prête à la toi-
lette d’une jeune femme un air mutin qui en assaisonne la grâce?
Nous l’avons dit : ce merveilleux ouvrage qui est le corps humain,
ayant à la fois la faculté de croître comme une plante et la vertu de se
mouvoir comme un être vivant, en dépit de la résistance que lui oppose
la loi d’inertie, c’est-à-dire l’attraction, le corps humain, surtout le
corps de la femme, doit être vêtu et orné de façon à rappeler ces trois
forces : la croissance, la pesanteur et le mouvement. Pourquoi? Parce
que la beauté du corps, avec ses méplats, ses gonflements, ses dépres-
sions, dépend du combat qui s’est livré entre ces tTois forces. C’est par
allusion à la croissance de la plante humaine que les couronnes, les col-
lerettes, les colliers,.tournent autour de l’axe vertical en insistant par
leur forme annulaire sur la rondeur des parties naturellement rondes.
11 en est de même de la ceinture.
La ceinture marque la transition entre les formes montrées et les
formes cachées. Elle est comme l’anneau du corps; elle en accuse la
proportion délicate ou robuste. Mais le corps ayant deux faces princi-
pales, la bague qui l’enserre ne peut guère se passer d’un chaton. De
là des motifs sans nombre d’ornement gracieux. De là ces beaux nœuds
qui peuvent prendre tous les caractères : simplicité, magnificence,
ampleur, coquetterie, délicatesse. Tantôt c’est un chou de velours qui
ferme la ceinture, tantôt une rosace de satin d’où s’échappe, entre deux
coques, un bout flottant; tantôt c’est un nœud à longs pans qui se trans-
forme, en écharpe; tantôt un gros nœud double dont les pans larges
s’étalent en dessinant des plis rares. Quelquefois la ceinture forme une
basque qui s’étend sur les côtés et qui sert alors à étoffer les hanches.
Il va sans dire que le précieux de l’étoffe, les effilés, les franges, les
garnitures de dentelles contribuent à enrichir les nœuds de ceinture, et
qu’une femme y sait mettre, quand elle veut, un cachet de modestie ou