GRAMMAIRE DES ARTS DÉCORATIFS.
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indique aussi l’axe vertical autour duquel elle se meut. Mais, indépen-
damment des falbalas circulaires, la jupe comporte un surcroît d’orne-
ment sur les faces latérale et postérieure par les raisons que nous venons
de dire. C’est parce qu’elles l’ont compris que les femmes ont imaginé la
seconde jupe ; celle-ci, pouvant être drapée, remuée, relevée, chassée
en arrière, allongée ou raccourcie, se prête à des tournures qui seraient
impossibles avec la première.
Quels sont les rapports conseillés par le goût entre ces deux jupes?
Les choisir de la même étoffe et de la même couleur, c’est donner à sa
toilette l’aspect sévère qui s’attache à l’unité, à moins que l’étoffe, étant
rayée, brochée, chinée ou ramagée, ne porte en elle-même un élément
de variété qui suffise. La première jupe est-elle rayée rose et blanc, par
exemple, la seconde peut se faire en pareil sans qu’il y ait monotonie.
Mais si la première est unie, il'y aurait de l’austérité à ne pas changer
le ton de la seconde. Supposons l’une en faille pensée, l’autre en taffetas
jaune, ces deux couleurs complémentaires trancheront à merveille, et,
pour adoucir le contraste, il sera bien que la seconde jupe en taffetas
jaune soit semée de fleurs pensée. On aura ainsi racheté la vivacité de
l’opposition par un rappel d’harmonie. ,
La mode décide ce qu’elle veut. Toutefois, sans lui résister ouverte-
ment , il est permis d’interpréter ses décrets et de distinguer dans ce
qd’elle ordonne. L’Extraordinaire du Mercure galant de 1678, — car
on portait double jupe au temps de Louis X1Y et même au xvie siècle, —-
prescrit de choisir pour la jupe de dessous et celle de dessus deux cou-
leurs tout à fait différentes; mais, si l’une doit être plus claire que l’autre,
convient-il que ce soit la première ou la seconde? C’est selon.
Une petite femme n’a pas bonne grâce à mettre la couleur brune
dessous, parce qu’à distance, la hauteur de la personne paraissant finir
là où finit le clair, en est diminuée d’autant; par la même raison une
femme grande raccourcirait la hauteur apparente de sa taille au moyen
d’un jupon dont le ton obscur serait perdu pour l’œil et laisserait triom-
pher le clair vif de dessus.
Il va sans dire qu’une robe à traîne ou à demi-traîne serait ridicule
dans un costume de rue, et que pour sortir à pied, pour aller partout où
se porte la foule, comme, par exemple, au salon de peinture, il faut une
jupe ras-terre, droite ou ballonnée, suivant la mode. De toute façon, c’est
surtout dans la seconde jupe, ou dans la tunique qui en tient lieu, que
s’accuse le caractère du vêtement. C’est là, dans la manière de draper,
de relever, de retrousser, que trouvent place les variétés de physionomie
V. — 2e PÉRIODE. 4
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indique aussi l’axe vertical autour duquel elle se meut. Mais, indépen-
damment des falbalas circulaires, la jupe comporte un surcroît d’orne-
ment sur les faces latérale et postérieure par les raisons que nous venons
de dire. C’est parce qu’elles l’ont compris que les femmes ont imaginé la
seconde jupe ; celle-ci, pouvant être drapée, remuée, relevée, chassée
en arrière, allongée ou raccourcie, se prête à des tournures qui seraient
impossibles avec la première.
Quels sont les rapports conseillés par le goût entre ces deux jupes?
Les choisir de la même étoffe et de la même couleur, c’est donner à sa
toilette l’aspect sévère qui s’attache à l’unité, à moins que l’étoffe, étant
rayée, brochée, chinée ou ramagée, ne porte en elle-même un élément
de variété qui suffise. La première jupe est-elle rayée rose et blanc, par
exemple, la seconde peut se faire en pareil sans qu’il y ait monotonie.
Mais si la première est unie, il'y aurait de l’austérité à ne pas changer
le ton de la seconde. Supposons l’une en faille pensée, l’autre en taffetas
jaune, ces deux couleurs complémentaires trancheront à merveille, et,
pour adoucir le contraste, il sera bien que la seconde jupe en taffetas
jaune soit semée de fleurs pensée. On aura ainsi racheté la vivacité de
l’opposition par un rappel d’harmonie. ,
La mode décide ce qu’elle veut. Toutefois, sans lui résister ouverte-
ment , il est permis d’interpréter ses décrets et de distinguer dans ce
qd’elle ordonne. L’Extraordinaire du Mercure galant de 1678, — car
on portait double jupe au temps de Louis X1Y et même au xvie siècle, —-
prescrit de choisir pour la jupe de dessous et celle de dessus deux cou-
leurs tout à fait différentes; mais, si l’une doit être plus claire que l’autre,
convient-il que ce soit la première ou la seconde? C’est selon.
Une petite femme n’a pas bonne grâce à mettre la couleur brune
dessous, parce qu’à distance, la hauteur de la personne paraissant finir
là où finit le clair, en est diminuée d’autant; par la même raison une
femme grande raccourcirait la hauteur apparente de sa taille au moyen
d’un jupon dont le ton obscur serait perdu pour l’œil et laisserait triom-
pher le clair vif de dessus.
Il va sans dire qu’une robe à traîne ou à demi-traîne serait ridicule
dans un costume de rue, et que pour sortir à pied, pour aller partout où
se porte la foule, comme, par exemple, au salon de peinture, il faut une
jupe ras-terre, droite ou ballonnée, suivant la mode. De toute façon, c’est
surtout dans la seconde jupe, ou dans la tunique qui en tient lieu, que
s’accuse le caractère du vêtement. C’est là, dans la manière de draper,
de relever, de retrousser, que trouvent place les variétés de physionomie
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