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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 5.1872

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Mantz, Paul: Henri Régnault
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https://doi.org/10.11588/diglit.21407#0089

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HENRI RÉGNAULT.

8.

O

semblait perdue et que la retraite était déjà sonnée, il tomba sur le champ
de bataille de Buzenval, atteint d’une balle à la tête. Nul ne l’avait vu
mourir. Le lendemain, un ambulancier retrouvait son corps et pou-
vait lire son nom sur une étiquette cousue à la doublure de sa capote de
soldat; mais, dans cet abominable désordre qui suit les batailles, le pré-
cieux cadavre disparut, et ce ne fut que le 25 que son camarade Clairin
put le reconnaître, au milieu des autres victimes. de cette suprême
journée. Les funérailles de Régnault eurent lieu à Saint-Augustin,
le 27 janvier, en présence d’une foule qu’attristait un double deuil, car,
au moment où nous enterrions le jeune peintre, nous venions d’apprendre
que la capitulation de Paris était signée.

Il y aura bientôt un an que ces choses fatales se sont accomplies ;
mais le souvenir de Régnault demeure vivant comme au jour de sa mort,
et hier encore, lorsqu’à l’exposition des œuvres des pensionnaires de Rome
on a vu, àia place où devait figurer son envoi de quatrième année, un
chevalet drapé de noir et tristement décoré d’un rameau vert, chacun a
éprouvé un serrement de cœur à ce spectacle qui disait trop bien quelle
est l’injustice humaine, quelle est la barbarie de ce temps. Régnault,
couronné déjà d’une gloire précoce, en était à peine au premier chapitre
de son livre ; son art était jeune comme son âme, il savait mal les
choses douloureuses, et, dans la fête constante de sa vie, il ne pouvait
les deviner encore. 11 aurait sans doute grandi dans le sentiment de la
forme comme dans celui du drame. Mais le rêve est fini : le présent et
l’avenir, tout a péri à la fois. Il ne nous reste plus que son œuvre, qui
n’est qu’un radieux commencement, et l’exemple de sa mort, qui montre
bien que le culte de l’art n’éteint pas dans les âmes la religion de la
patrie. Gardons fidèlement la mémoire du peintre et du citoyen, et que,
sur cette tombe où tant d’espérances sont ensevelies, on lise, avec nos
regrets pour le maître disparu, notre haine pour ceux qui nous l’ont tué.

PAUL MANTE.
 
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