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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 5.1872

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Nr. 2
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C., C. de: Vue générale de l'art chinois, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.21407#0124

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118

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

taies de ses porcelaines, elles ont pour unité la fleur, la branche, l’ar-
buste, l’arbre; vous n’y rencontrez pas cette unité artificielle, le bouquet.

Tous les peuples civilisés ont passé par le fétichisme, et leur art primi-
tif en porte encore la trace. Le trait propre des Chinois est d’y avoir per-
sisté et d’avoir constitué une société immense par le chiffre de sa popu-
lation, par l’espace qu’elle occupe, par sa stabilité unique dans l’histoire,
tout en gardant le caractère d’une société purement domestique; car,
s’il n’y a pas de prêtres dans ce pays où les lettrés exercent un office
moralisateur qui ressemble à la pédagogie, il n’y a pour ainsi dire pas
de pouvoir politique. L’empereur y est réellement considéré comme le
père et la mère de ses sujets. Son titre de Fils du ciel, pris au sens littéral,
n’est que l’expression d’une croyance, et ne doit pas être assimilé aux
titres orgueilleux dont la flatterie décore et salue les despotes. Ses sujets
se nomment eux-mêmes les Ce rit-familles,, se rappelant ainsi sans cesse
les liens du sang auxquels ils veulent rattacher leur unité.

Les Chinois croient au progrès dans le passé, mais non dans l’avenir;
en ce sens, qu’au lieu de rêver un âge d’or à l’origine de l’humanité ils
se représentent les premiers hommes comme des sauvages non dégagés
encore de l’animalité. Cependant leur idéal, si l’on peut ainsi parler, est
en arrière ; ils vénèrent les fondateurs de leur civilisation, ces premiers
empereurs revêtus de peaux de bêtes et habitant d’humbles maisons de
terre dont les toits verdissaient et fleurissaient sous- l’action du soleil et
de la pluie. Toujours l’image de cette sainte rusticité primitive s’oppose
victorieusement dans la pensée du Chinois aux idées de luxe et d’art, qui
sont à ses yeux le mal et la décadence.

Pour n’avoir pas imaginé des dieux, pour avoir vu le passé terre à
terre, et pour ne s’être pas égarés dans les fictions mythologiques, les
Chinois se sont comme pétrifiés dans une fiction réelle qu’ils ne peuvent
rompre. La famille est une réalité assurément; mais les lois de la famille
ne se peuvent appliquer exclusivement à une société de Λ00 millions
d’hommes sans y produire un arrêt de développement.

L’art chinois exprime cette anomalie : gai, familier, original d’appa-
rence, il a toujours été le plus réglementé, le plus assujetti aux rites, aux
convenances et au convenu.

C’est de Péking, des bureaux d’un ministère, que sont expédiés aux
fabriques les modèles de décorations des laques et des porcelaines; c’est
à Péking que l’on dépose, pour y être officiellement inspectées, les tuiles
vernissées de formes et de couleurs significatives, fixées par la loi en con-
formité avec la destination de chaque genre d’édifice. L’artiste n’est point
libre de disposer à son gré des couleurs, des formes ou des symboles.
 
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