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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 5.1872

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Nr. 4
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Müntz, Eugène: Les monuments d'art détruits à Strasbourg
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https://doi.org/10.11588/diglit.21407#0362

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350

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

part de l’exagération me sembla grande, et le mal nullement irréparable.

Il faut démasquer ces replâtrages habiles, interroger les archives et
les bibliothèques, et, cessant de mesurer la valeur de ce qui a péri à la
valeur de ce qui a été sauvé, envisager les pertes en elles-mêmes, dans
leur importance absolue, pour comprendre la variété et la grandeur des
désastres. On découvre alors à quel point les simples citoyens, les
artistes et les érudits ont été simultanément frappés, et combien de docu-
ments précieux, de chefs-d’œuvre, ont subitement et à jamais disparu
du domaine de l’étude et de la récréation.

Nous citerons en premier lieu les antiquités nationales, les souvenirs
locaux et patriotiques qui tenaient tant au cœur des bons Strasbourgeois.
L’art n’y avait peut-être pas une part bien grande, mais quand il s’agit
de bijoux de famille, vient-il à l’idée de quelqu’un de s’enquérir de leur
poids en or ou en argent et de leur valeur vénale? C’était ce fameux pot
en bronze, que les Zurichois amenèrent à Strasbourg, en 1576, rempli
d’une bouillie de mil encore chaude, pour montrer avec quelle rapidité
ils voleraient au secours de leurs alliés, en cas de danger. « Us nous
l’ont prouvé ces bons Suisses, dit M. Reuss dans un article éloquent sur
l’incendie de la bibliothèque % à trois cents ans de distance, en venant si
simplement et avec tant de noblesse arracher nos femmes et nos enfants
à ce bombardement sans relâche, sous la pression duquel le général
Werder espérait briser l’énergie des citoyens de Strasbourg. »

Dès le xvie siècle, l’illustre poëte alsacien Fischart, le' traducteur de
notre Rabelais, célébrait ce naïf témoignage de dévouement, dans son
« Glückhafft Schilf », le vaisseau fortuné de Zurich, et le voyage des
Zurichois ne cessa jamais d’occuper une place d’honneur dans la
mémoire du peuple. Il y a quinze ans, le peintre Théophile Schüler lui
emprunta le sujet d’une grande composition, exposée au Salon de 1857
et acquise plus tard par le Musée de la ville, moyennant la somme de
4,000 francs. Aujourd’hui, le pot de bronze, et les précieuses éditions de
Fischart, et le tableau de Schüler, tout a disparu.

Les souvenirs de la première Révolution, qui remplit Strasbourg
de ses grandeurs et de ses crimes, et qui cimenta pour toujours l’union
de l’ancienne ville libre avec la France, n’étaient pas moins populaires :
c’était le bonnet phrygien en fer-blanc, fixé sur la flèche de la cathédrale,
Γ encrier en faïence du farouche accusateur public Euloge Schneider.

Puis venait la vieille bannière en soie blanche, ornée d’une pein-
ture de la Vierge et vénérée à l’égal d’un palladium. On l’attribuait

1. Revue critique d'histoire et de littérature, numéro du 1er septembre 1871.
 
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