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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 5.1872

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Nr. 5
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Michiels, Alfred: L' abbaye de Westminster
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https://doi.org/10.11588/diglit.21407#0436

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L’ABBAYE DE WESTMINSTER.

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cathédrales; mais on ne doit pas la mettre sur le compte des artistes. La
croissance laborieuse et lente de ces géants de pierre l’a seule produite,
comme les autres dissonances. Les églises dont la construction fut rapide
présentent une admirable unité : le goût d’un même architecte en a
coordonné les éléments. L’harmonie devenait impossible, quand divers
constructeurs prenaient la direction de l’œuvre, pendant une longue
suite d’années. Chacun d’eux avait sa manière de sentir, ses habitudes
d’esprit, son genre de talent ; ils vivaient à des époques où le système
d’architecture n’était pas identique, ün grand nombre de monuments
sont d’ailleurs restés inachevés : leur état incomplet engendre aussi maint
désaccord. C’est donc par ignorance qu’on accuse l’art gothique de ne
point aimer l’ordre. Il a révélé une grande puissance de combinaison,
une étonnante adresse dans l’emploi de la symétrie. Chose à la fois
naturelle et merveilleuse! c’est la religion la plus spiritualiste qui a
inventé les formes matérielles les plus brillantes : elle a orné d’un
charme divin la substance qu’elle proscrivait; l’austère poésie dont elle
était pleine a débordé sur le monde et l’a transfiguré. Elle se jouait de
cette enveloppe qu’elle moulait impérieusement, qu’elle baignait de sa
lumière et d’où elle s’échappait en flots de rayons. A cause de son mépris
même pour l’élément sensible, elle tâchait de l’idéaliser, de le purifier,
de l’élever jusqu’à elle. Tant il est manifeste que dans les arts tout
dépend de la hauteur et de la noblesse de l’inspiration !

Ce fut l’inévitable Christophe Wren que l’on chargea de rebâtir le
portail. Il eut le bon sens de lui donner un aspect gothique, d’y employer
l’ogive, le pignon, le contre-fort, les tours, la vaste fenêtre anglaise et
les clochetons; mais il ne put s’abstenir d’y mêler des corniches, des
rinceaux grecs, des ornements courants venus de la même source.
L’amalgame toutefois est trop peu choquant pour blesser un spectateur
vulgaire, c’est-à-dire n’ayant pas étudié J’archéologie.

Les autres faces de l’église ont subi des restaurations partielles, dont
la cause ne manque pas d’intérêt au point de vue historique. Lorsque les
Normands eurent conquis la Grande-Bretagne, ils jugèrent si dédaigneu-
sement les Saxons et gardèrent une si haute idée de leur propre race,
qu’ils faisaient venir de leur pays tous leurs artistes. Non moins
orgueilleux, ces derniers ne voulaient pas tailler la pierre anglaise : ils
préféraient la pierre de Caen, dont ils avaient l’habitude, qui se travaille
comme du bois, mais possède plus d’apparence que de solidité. Les
chênes de l’île vaincue leur déplaisaient également; il leur fallait pour
les toitures des châtaigniers de Normandie. On transportait donc à grands
frais ces lourds matériaux : la dépense toutefois devint si exorbitante que
 
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