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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 7.1873

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Nr. 3
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Yriarte, Charles: Gustave Ricard
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https://doi.org/10.11588/diglit.21409#0250

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228

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

c’était se classer dans une rare aristocratie que de se signaler par une
éclatante abstention.

Son existence, on le voit, est peu mouvementée; C’est une personna-
lité psychologique pour ainsi dire, et on écrit son histoire en disant celle
de ses tergiversations, de ses enthousiasmes, de son travail régulier et
infatigable. Il aimait tant à jouir de la vue de ce qu’il avait fait, ou il
était si tourmenté d’être resté au-dessous de ce que sa pensée avait
conçu, qu’il ne livrait la plupart de ses toiles que bien des années après
les avoir achevées. Et encore, s’il lui arrivait de revenir dans la maison
où l’œuvre était accrochée, il demandait parfois la faveur de remporter
la toile pour la reprendre dans tout son ensemble. C’est ainsi que le
célèbre portrait de Madame de Calonne, plus de douze années après qu’il
avait été livré, fut remis sur le chevalet.il rajouta cinq doigts au corsage
et reprit tout le fond, heureusement, sans compromettre l’œuvre. Le
nombre des toiles qu’il a ainsi reprises après coup est considérable : le
portrait du chevalier Nigra était aussi revenu à l’atelier au moment où la
mort a saisi le peintre. Quelquefois, en face de son travail, il disait des
mots typiques qui sont la révélation d’un système. C’est ainsi que cinq
jours avant sa fin, comme nous lui observions que la main du ministre
d’Italie était peut-être moins fine dans le tableau que dans le modèle, il
nous répondit sérieusement : « Sa main, dans la nature, a deux caractères ;
elle change : tantôt c’est la main du diplomate et du lettré, tantôt celle
du soldat qui a porté le mousquet à Novare. » On ne pouvait que sou-
rire en face d’une aussi subtile esthétique, et le mot explique bien des
choses; il fait surtout comprendre qu’à la recherche de tant de carac-
tère et d’un idéal aussi nébuleux on pouvait parfois s’égarer et en tout cas
transformer bien des fois son œuvre avant de l’atteindre.

M. Chenavard, son dernier modèle, et au portrait duquel il travailla
quelques heures avant que sa main fût glacée pour jamais, peut dire
par combien de phases a passé cette belle toile, qui est une œuvre et qui
prouve, puisqu’elle est la dernière sortie de son pinceau, que l’artiste
n’avait point dégénéré et que malgré ses préoccupations et ses con-
stantes aspirations il est mort en pleine possession de ses rares facultés
de peintre et de fin coloriste.

Son trépas fut si subit, que pendant qu’il exhalait son dernier soupir
le modèle auquel il avait donné rendez-vous la veille venait heurter à la
porte de son atelier.

Parfois, dans ce musée vivant des rues de Paris, une femme s’avance
 
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