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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
De Berchem à J.-B. Weenix la transition est facile, quoique peu
régulière, puisque nous remontons de l’élève au maître. L’exposition
possède deux paysages italiens de J.-B. Weenix, tous deux fort intéres-
sants. Néanmoins c’est sans regret que j’abandonne ces pseudo-italiens
pour m’occuper de ce peintre si original et si charmant qui se nomme
Phieip Wouwerman.
La première des œuvres de Philip Wouwerman, inscrite au cata-
logue sous le n° 262, et la rubrique « le Lieu de repos », provient de
la galerie de Mme la douairière Van Loon. C’est certainement une des
plus belles œuvres du maître.
A la porte d’un cabaret hospitalier, des cavaliers se sont arrêtés pour
se reposer un instant. Mais le repos convient-il bien à de pareils
militaires?L’amour des conquêtes en pousse un vers la chambrière; il la
saisit par derrière et la tourmente par sa blâmable indiscrétion; pendant
ce temps, son noble ami, qui préfère Bacchus à l’amour, appelle à grands
cris l’hôtesse pour qu’elle remplisse un vénérable pot qu’il tient à la
main. Celle-ci accourt avec son enfant dans les bras, pas plus effrayée
que sa servante, car ces joyeuses compagnies, auxquelles elle est habi-
tuée, ont depuis longtemps cessé de lui faire peur. Mais les chevaux s’im-
patientent; c’est sans doute l’arrivée de cette grande charrette qui en est
la cause; les coursiers d’aussi nobles seigneurs supportent mal le voisi-
nage du bidet que monte un pauvre conducteur, et témoignent l’indi-
gnation que fait naître en eux une aussi compromettante promiscuité.
Ajoutez à cela, au premier plan, des enfants qui jouent, des poules qui
picorent; à droite, une petite fille qui montre à la fenêtre sa gentille
figure et tient à la main un petit oiseau, enfin mille et un détails aimables,
et vous aurez une faible idée de ce magnifique tableau.
Le n° 263 représente une « Année en marche ». Quoique infiniment
plus petit, il est tout aussi merveilleux. Quelle foule! Quel mouvement!
Comme cette armée s’étend au loin! comme on sent qu’elle marche,
qu’elle avance !
Le n° 26A, qui appartient également à la collection Van Lennep, nous
transporte dans un milieu plus calme. Nous avons encore sous les yeux
des militaires et des chevaux, mais nous sommes loin du tumulte de la
guerre.
Le dernier tableau de Wouwerman, « Campement au bord d’une
rivière », possède aussi ces merveilleuses qualités, qui font du peintre un
maître inimitable; c’est une délicieuse composition fort animée, nous
allions dire bruyante, avec de gentils cavaliers et d’aimables petits soldats
installés au bord de l’eau. Au loin, on aperçoit l’horizon bleu coupé par
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
De Berchem à J.-B. Weenix la transition est facile, quoique peu
régulière, puisque nous remontons de l’élève au maître. L’exposition
possède deux paysages italiens de J.-B. Weenix, tous deux fort intéres-
sants. Néanmoins c’est sans regret que j’abandonne ces pseudo-italiens
pour m’occuper de ce peintre si original et si charmant qui se nomme
Phieip Wouwerman.
La première des œuvres de Philip Wouwerman, inscrite au cata-
logue sous le n° 262, et la rubrique « le Lieu de repos », provient de
la galerie de Mme la douairière Van Loon. C’est certainement une des
plus belles œuvres du maître.
A la porte d’un cabaret hospitalier, des cavaliers se sont arrêtés pour
se reposer un instant. Mais le repos convient-il bien à de pareils
militaires?L’amour des conquêtes en pousse un vers la chambrière; il la
saisit par derrière et la tourmente par sa blâmable indiscrétion; pendant
ce temps, son noble ami, qui préfère Bacchus à l’amour, appelle à grands
cris l’hôtesse pour qu’elle remplisse un vénérable pot qu’il tient à la
main. Celle-ci accourt avec son enfant dans les bras, pas plus effrayée
que sa servante, car ces joyeuses compagnies, auxquelles elle est habi-
tuée, ont depuis longtemps cessé de lui faire peur. Mais les chevaux s’im-
patientent; c’est sans doute l’arrivée de cette grande charrette qui en est
la cause; les coursiers d’aussi nobles seigneurs supportent mal le voisi-
nage du bidet que monte un pauvre conducteur, et témoignent l’indi-
gnation que fait naître en eux une aussi compromettante promiscuité.
Ajoutez à cela, au premier plan, des enfants qui jouent, des poules qui
picorent; à droite, une petite fille qui montre à la fenêtre sa gentille
figure et tient à la main un petit oiseau, enfin mille et un détails aimables,
et vous aurez une faible idée de ce magnifique tableau.
Le n° 263 représente une « Année en marche ». Quoique infiniment
plus petit, il est tout aussi merveilleux. Quelle foule! Quel mouvement!
Comme cette armée s’étend au loin! comme on sent qu’elle marche,
qu’elle avance !
Le n° 26A, qui appartient également à la collection Van Lennep, nous
transporte dans un milieu plus calme. Nous avons encore sous les yeux
des militaires et des chevaux, mais nous sommes loin du tumulte de la
guerre.
Le dernier tableau de Wouwerman, « Campement au bord d’une
rivière », possède aussi ces merveilleuses qualités, qui font du peintre un
maître inimitable; c’est une délicieuse composition fort animée, nous
allions dire bruyante, avec de gentils cavaliers et d’aimables petits soldats
installés au bord de l’eau. Au loin, on aperçoit l’horizon bleu coupé par