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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
de la lumière qui descend à travers les arbres pour se concentrer sur le
corps d’Ophélie en effleurant à peine les terrains verdoyants qui bordent
la rivière, forment un ensemble aussi séduisant pour l’œil qu’attachant
pour l’esprit.
Delacroix est en effet un admirable paysagiste, et c’est sous cet aspect
que nous devons le considérer dans les Chevaux sortant de l'eau, où nous
voyons un Arabe promenant sur le rivage deux chevaux qui se cabrent
avec ces mouvements un peu forcés que le peintre leur donne habituelle-
ment. La mer est superbe dans son immensité, et les falaises parsemées
de villages qui se déroulent sur la côte sont du plus bel effet. Enfin nous
ne quitterons pas Delacroix sans avoir signalé un Lion déchirant un caï-
man; et une aquarelle qui reproduit un tableau important du musée de
Tours, les Musiciens arabes.
Millet, le peintre des réalités positives, a fait autrefois des sujets
mythologiques, et nous en avons la preuve ici dans son tableau à'OEdipe
détaché de l'arbre, qui a figuré à l’Exposition de 1857. Laïus, père
d’OEdipe, effrayé d’une prédiction annonçant qu’il serait tué par son pro-
pre fils, fit porter son fils sur le Cithéron, pour y être mis à mort. L’esclave
chargé de cette exécution perça le pied de l’enfant, et, ayanc passé une
courroie dans la blessure, suspendit sa victime à un arbre et l’abandonna.
Ce fut dans cette situation qu’OEdipe fut recueilli par un berger du roi
de Corinthe. M. Millet, mettant de côté toute préoccupation d’archaïsme
et d’expression, a cherché surtout à montrer une facture puissante et
robuste, et c’est sur cettè toile qu’il a inauguré ce mode de peinture à
empâtements excessifs qu’il a abandonné depuis. Nous préférons de beau-
coup un autre tableau du même artiste qui représente simplement une
Maison aux environs de Dieppe. Le motif est d’une extrême simplicité;
mais il y a de la grandeur dans ce chemin qui côtoie la mer et près
duquel est un de ces arbres rabougris dont le vent arrête le dévelop-
pement, et dont le tronc noueux se revêt à grancl’peine d’un maigre
feuillage.
M. Ribot, qui prend naturellement sa place à côté de M. Millet, a em-
prunté à Vasari le sujet de son tableau. C’est le vieux Cimabué donnant des
conseils au berger Giotto qui dessine d’après nature. 11 est inutile de dire
que M. Ribot peint bien; mais il y a dans l’attention soutenue que le
jeune berger prête à son professeur une recherche d’expression qu’il est
bon de constater en passant. Nous citerons encore parmi les tableaux de
figures une Bohémienne de M. Roybet, vieille femme au visage étrange
et au teint hâlé, et une gracieuse figure de M. Hébert, qui personnifie
la Danse, puis nous arriverons aux paysagistes, parmi lesquels Jules
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
de la lumière qui descend à travers les arbres pour se concentrer sur le
corps d’Ophélie en effleurant à peine les terrains verdoyants qui bordent
la rivière, forment un ensemble aussi séduisant pour l’œil qu’attachant
pour l’esprit.
Delacroix est en effet un admirable paysagiste, et c’est sous cet aspect
que nous devons le considérer dans les Chevaux sortant de l'eau, où nous
voyons un Arabe promenant sur le rivage deux chevaux qui se cabrent
avec ces mouvements un peu forcés que le peintre leur donne habituelle-
ment. La mer est superbe dans son immensité, et les falaises parsemées
de villages qui se déroulent sur la côte sont du plus bel effet. Enfin nous
ne quitterons pas Delacroix sans avoir signalé un Lion déchirant un caï-
man; et une aquarelle qui reproduit un tableau important du musée de
Tours, les Musiciens arabes.
Millet, le peintre des réalités positives, a fait autrefois des sujets
mythologiques, et nous en avons la preuve ici dans son tableau à'OEdipe
détaché de l'arbre, qui a figuré à l’Exposition de 1857. Laïus, père
d’OEdipe, effrayé d’une prédiction annonçant qu’il serait tué par son pro-
pre fils, fit porter son fils sur le Cithéron, pour y être mis à mort. L’esclave
chargé de cette exécution perça le pied de l’enfant, et, ayanc passé une
courroie dans la blessure, suspendit sa victime à un arbre et l’abandonna.
Ce fut dans cette situation qu’OEdipe fut recueilli par un berger du roi
de Corinthe. M. Millet, mettant de côté toute préoccupation d’archaïsme
et d’expression, a cherché surtout à montrer une facture puissante et
robuste, et c’est sur cettè toile qu’il a inauguré ce mode de peinture à
empâtements excessifs qu’il a abandonné depuis. Nous préférons de beau-
coup un autre tableau du même artiste qui représente simplement une
Maison aux environs de Dieppe. Le motif est d’une extrême simplicité;
mais il y a de la grandeur dans ce chemin qui côtoie la mer et près
duquel est un de ces arbres rabougris dont le vent arrête le dévelop-
pement, et dont le tronc noueux se revêt à grancl’peine d’un maigre
feuillage.
M. Ribot, qui prend naturellement sa place à côté de M. Millet, a em-
prunté à Vasari le sujet de son tableau. C’est le vieux Cimabué donnant des
conseils au berger Giotto qui dessine d’après nature. 11 est inutile de dire
que M. Ribot peint bien; mais il y a dans l’attention soutenue que le
jeune berger prête à son professeur une recherche d’expression qu’il est
bon de constater en passant. Nous citerons encore parmi les tableaux de
figures une Bohémienne de M. Roybet, vieille femme au visage étrange
et au teint hâlé, et une gracieuse figure de M. Hébert, qui personnifie
la Danse, puis nous arriverons aux paysagistes, parmi lesquels Jules