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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 32.1885

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Michel, André: Le portrait du père Hubin par M. F. Gaillard
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https://doi.org/10.11588/diglit.24593#0047

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42

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

vient mourir, dans l’ombre des sourcils, le reflet d’une flamme
ardente, mais cachée.

On retrouvera dans cette belle planche l’étonnante habileté
de M. Gaillard — une délicatesse prodigieuse de modelé et une
science de dessin magistrale — et aussi cette indéfinissable conduite
de l’outil qui déroute presque le regard avec ses tailles courtes,
répétées et reprises dont l’apparent désordre finit par se fondre et
se dérober en quelque sorte dans un effet d’estompe. On dirait que
Cet art si profondément original ne vise qu’à se faire oublier; que le
suprême effort d’un travail si personnel ne tende qu’à l’anonymat !
C’est ici que nous sommes tenté de réclamer en sa faveur contre
M. Gaillard lui-même. Toute œuvre d’art doit être le produit d’une
collaboration franchement avouée entre l’artiste et son outil. Comme,
dans une statue, nous protestons contre l’intervention excessive du
praticien qui efface toute trace de la morsure du ciseau et do la belle
résistance du marbre, il ne nous déplairait pas de suivre, autrement
qu’à la loupe, dans la gravure le travail plus largement indiqué de
la pointe ou du burin. On éprouve je ne sais quel invincible regret
de voir une science si merveilleuse et les travaux d’une main si
volontaire et si particulièrement douée aboutir par endroits à donner
l’impression d’une héliogravure... En présentant cette objection au
maître graveur je ne voudrais pas en exagérer l’importance; on peut
même entrevoir une certaine harmonie entre la manière ici adoptée
par lui et la nature de cette série de portraits ecclésiastiques et reli-
gieux. Peut-être, en effet, tient-il beaucoup à leur conserver ce
caractère, et s’il devait nous répondre : Smt ut simt aut non sint,
nous n’aurions pas grand’peine à passer condamnation.

Tels qu’ils sont, en effet, ils resteront au nombre des pages les plus
intéressantes de l’art contemporain et parmi les plus attachantes de
l’œuvre du maître. Nul au fond ne sait mieux que lui les ressources
de son art et n’a donné des preuves plus répétées de l’originalité de
son caractère d’artiste, de la loyauté de son talent, de la souplesse et
de la variété de ses procédés. Il les a toujours choisis avec un rare
sentiment des convenances esthétiques; il a dit dans une langue
personnelle et pénétrante des choses intimes et profondes. Et, si
quelque académicien a prétendu, par hasard, lui faire une leçon sur
les sacro-saintes lois du style, il a pu, dans sa conscience noblement
satisfaite, entendre deux grands maîtres, — deux hérétiques, —
Holbein et Durer, lui dire en souriant : « Rassure-toi; c’est bien. »

ANDRE MICHEL.
 
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