64
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Ses membres étaient : Daubigny, Trimolet, qu’ont surtout fait
connaître les illustrations si pleines de verve et d’entrain des Chants
et chansons populaires de la France; le sculpteur Geoffroy Dechaume
qui, après avoir dirigé, en s’y associant, la restauration de la sta-
tuaire de la Sainte-Chapelle, de Notre-Dame de Paris, etc., est aujour-
d’hui conservateur du Musée du Trocadéro, et L. Steinheil. Autour
du phalanstère rayonnaient le statuaire Pascal et M. Meissonier
qui, déjà connu par les illustrations delà Chaumière indienne et fiancé
deM,,e Steinheil, ne pouvait associer sa dignité d’époux à la liberté de
ces quatre garçons.
Travail et profits, ils avaient tout mis en commun, ainsi que
M. F. Henriet l’a raconté dans sa Biographie de Daubigny *. Le tra-
vail rémunérateur des uns permettant les études des autres, trois,
pendant une année, étaient chargés de fournir la maison de chan-
delle et de pain, au profit du quatrième qui préparait son Salon... le
Salon, île inabordable en ce temps, grâce à l’intransigeance du jury
académique qui n’avait d’égale que celle des artistes insurgés contre lui!
Trimolet profita le premier de cette combinaison ; Louis Steinheil,
le second, avec un tableau, les Sept péchés capitaux, qui doit se trou-
ver du côté de Nantes, et Daubigny le troisième. L’association fut
rompue au détriment de Geoffroy Dechaume qui, pendant trois ans,
avait peiné pour les autres.
Le principal travail de ceux des associés qui maniaient le crayon
fut l’illustration des Chants et chansons populaires de la France, qui
est l’œuvre presque exclusive de Trimolet et de Louis Steinheil. Dau-
bigny y prit une moindre part, se contentant de composer des paysa-
ges d’une libre allure que ses camarades animaient de quelques
figures. Celles de L. Steinheil sont empruntées pour la plupart à
Lancret, quand il s’agit de scènes du xvme siècle, mais il en est,
comme celles de la Chanson de Roland, qui remontent jusqu’au
xme siècle et qui témoignent de certaines études sérieuses d’après
les enluminures des manuscrits. Il y en a aussi d’ultra romanti-
ques, comme celles du Vieux château des Ardennes... On les dirait de
l’un des Johannot, les grands illustrateurs à la mode en ce temps-là,
dont L. Steinheil avait parfois transformé les vignettes en tableaux.
Des fantaisies florales, qui encadrent et prolongent ses compositions,
témoignent de son goût persistant pour la botanique. Aussi Curmer
lui confia-t-il quelques bois pour les lettres ornées, les tètes de page 1
1. Gazette des beaux-arts, 2e sério, t. IX, p. 2;i8.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Ses membres étaient : Daubigny, Trimolet, qu’ont surtout fait
connaître les illustrations si pleines de verve et d’entrain des Chants
et chansons populaires de la France; le sculpteur Geoffroy Dechaume
qui, après avoir dirigé, en s’y associant, la restauration de la sta-
tuaire de la Sainte-Chapelle, de Notre-Dame de Paris, etc., est aujour-
d’hui conservateur du Musée du Trocadéro, et L. Steinheil. Autour
du phalanstère rayonnaient le statuaire Pascal et M. Meissonier
qui, déjà connu par les illustrations delà Chaumière indienne et fiancé
deM,,e Steinheil, ne pouvait associer sa dignité d’époux à la liberté de
ces quatre garçons.
Travail et profits, ils avaient tout mis en commun, ainsi que
M. F. Henriet l’a raconté dans sa Biographie de Daubigny *. Le tra-
vail rémunérateur des uns permettant les études des autres, trois,
pendant une année, étaient chargés de fournir la maison de chan-
delle et de pain, au profit du quatrième qui préparait son Salon... le
Salon, île inabordable en ce temps, grâce à l’intransigeance du jury
académique qui n’avait d’égale que celle des artistes insurgés contre lui!
Trimolet profita le premier de cette combinaison ; Louis Steinheil,
le second, avec un tableau, les Sept péchés capitaux, qui doit se trou-
ver du côté de Nantes, et Daubigny le troisième. L’association fut
rompue au détriment de Geoffroy Dechaume qui, pendant trois ans,
avait peiné pour les autres.
Le principal travail de ceux des associés qui maniaient le crayon
fut l’illustration des Chants et chansons populaires de la France, qui
est l’œuvre presque exclusive de Trimolet et de Louis Steinheil. Dau-
bigny y prit une moindre part, se contentant de composer des paysa-
ges d’une libre allure que ses camarades animaient de quelques
figures. Celles de L. Steinheil sont empruntées pour la plupart à
Lancret, quand il s’agit de scènes du xvme siècle, mais il en est,
comme celles de la Chanson de Roland, qui remontent jusqu’au
xme siècle et qui témoignent de certaines études sérieuses d’après
les enluminures des manuscrits. Il y en a aussi d’ultra romanti-
ques, comme celles du Vieux château des Ardennes... On les dirait de
l’un des Johannot, les grands illustrateurs à la mode en ce temps-là,
dont L. Steinheil avait parfois transformé les vignettes en tableaux.
Des fantaisies florales, qui encadrent et prolongent ses compositions,
témoignent de son goût persistant pour la botanique. Aussi Curmer
lui confia-t-il quelques bois pour les lettres ornées, les tètes de page 1
1. Gazette des beaux-arts, 2e sério, t. IX, p. 2;i8.