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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 32.1885

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Nr. 2
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Gueullette, Charles: Notes et renseignements inédits sur Prud'hon et sa famille
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https://doi.org/10.11588/diglit.24593#0172

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P RU D’JT ON E T SA FAMILLE.

J 63

passé pour moi ; tonies mes pensées sont portées à la mélancolie. 11 ne me reste,
d’un bonheur anéanti, qu’un vain rêve, souvenir douloureux, et des regrets amers.
Vous le dirai-je, bonne amie? Je ne vis pas! La tristesse est au fond de mon
cœur; elle se môle à tous mes sentiments et empoisonne jusqu’aux douceurs de
l’amitié môme. L’isolement me suit partout et je n’ai de satisfaction qu’à être
effectivement seul, parce qu’alors je me souviens sans empêchement de tout ce qui
m’afflige. Mais, ma bonne amie, que vous disais-je donc là? Je ne pense pas que je
trouble le peu de plaisir que vous goûtez et, pourtant, j’ai besoin de dire que je ne
suis pas heureux. Mon cœur oppressé le demande. Votre indulgente amitié voudra
bien me pardonner ce tort, cette faiblesse, n’est-ce pas? Je ne vous ai plus une fois
par semaine; bien des samedis se sont déjà passés dans la privation : ces samedis
que votre douce affection me rend chers ! Ils reviendront, bonne amie, et je ne
serai pas tout à fait malheureux !

Mon Christ va bientôt être terminé. Je ne sais si, à votre retour, je l’aurai
encore. C’est douteux. Vous ne pensez pas que la pose de la figure principale puisse
être heureuse. Je n’en déciderai pas. Cependant, je l’ai tournée de manière à
paroître le moins désagréablement possible. Vous en jugerez, du moins d’après
l’esquisse, si toutefois le tableau est parti.

Ma chère et bonne amie, occupez-vous sérieusement de votre santé. Éloignez
tout ce qui peut avoir sur vous une influence fâcheuse. Portez votre imagination
sur des objets gracieux qui puissent dissiper l’ennui et vous faire oublier un temps
maussade. Songez au retour, à tout le plaisir qu’éprouveront vos amis à vous
revoir, à celui qui me sera particulier en vous embrassant. J^a campagne est
agréable, sans doute, lorsque le temps permet d’en jouir; mais les pénates ont un
attrait qui nous les rend chers à tous les moments.

Aujourd’hui, jour de l’Assomption, fête de mon amie, qui pour moi n’est plus
qu’un jour de tristesse et de deuil, je suis allé orner de fleurs et répandre des
larmes bien amères sur sa tombe. Mon pauvre cœur ! Ah ! bonne et chère amie,
je m’arrête; je vous ferois du mal !

Adieu, recevez l’assurance de mon éternel attachement.

prud’hon.

M. de Doisfremont me charge de vous présenter ses hommages respectueux. Je
n’ai pas de nouvelles du pauvre Philos, cela me chagrine. Emilie m’a écrit qu’elle
est grosse et cela l’enchante. Heureuse inexpérience de la vie!

Fidèle miroir des pensées de Prud’lion à ses derniers jours, nous
ne pouvions mieux terminer que par cette émouvante lettre.

Plus tard, peut-être, nous donnerons sur le peintre des documents
nouveaux; mais nous avons tenu à conserver au présent article son
caractère intime en le limitant à la vie privée de l’homme de bien.
Le public, nous l’espérons, ne l’aura pas lu sans intérêt. 11 n’y a point
de petits détails quand il s’agit de Prud’hon.

CHARLES GUE-ULLETÏE.
 
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