VOYAGE OU CAVALIER BERN1N EN FRANCE.
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friponneries 1 », et en môme temps, il s’est mis à manger de ces confitures,
et il s’en est allé dans la ruelle de son lit, d’où il a apporté un dessin de
Vierge qu’il lui a donné. Après qu’elle l’a eu remercié et être restée encore
là quelque temps, elle a pris congé de lui. Il lui a fait de très grandes
civilités et beaucoup d’honneur, après quoi elle s’en est allée. Il s’est ensuite
entretenu avec l’abbé llutti, et moi je suis demeuré à discourir avec M. du
Metz à qui j’ai parlé pour le petit Blondeau, et lui ai représenté la charité
que ce serait de l’aider. 11 m’a dit que cela n’était pas encore hors
d’espérance, mais que M. Colbert avait dit, voyant le mémoire de ceux
qu’on envoie à Rome, qu’après qu’il aurait coûté de l’argent au Roi, pour
le faire instruire, il irait en Angleterre. Je lui ai dit qu’il n’y avait pas lieu
de craindre cela, que son père y était si mal que cela servirait à l’en
chasser et non pas à l’y attirer. 11 m’a dit qu’il y ferait ce qu’il pourrait, qu’il
avait écrit à côté de son nom : « Recommandé par M. le Cavalier Bernin »;
que le Roi n’en entretiendrait que huit jeunes garçons, quatre peintres et
quatre sculpteurs ; que le lils de Vouët, le fils de Sarrazin et autres de
l’Académie qu’il m’a nommés en étaient; que Blondeau n’était pas de
l’Académie. Je l’ai assuré que si, que le Cavalier l’y avait trouvé 2.
Le gentilhomme du prince Pamphile était là qui a été expédié, mais qui
n’avait pas encore ses dépêches pour pouvoir s’en aller avec le Cavalier
comme il eût souhaité. Mignard est venu prendre congé du Cavalier qui lui
a dit la façon dont il avait parlé de son ouvrage à la Reine-Mère. L’on a
discouru de la fresque : Mignard a dit qu’il a observé qu’il fallait différentes
méthodes d’y travailler, selon les différentes saisons de l’hiver et de l’été;
qu’il en était à présent si pratique qu’il n’avait rien à retoucher, et qu’il
exposait son ouvrage à être baigné tant qu’on voudrait; que ce qui l’a
beaucoup aidé, ç.'a été d’avoir travaillé à détrempe en sa jeunesse. Le
Cavalier a dit que l’usage est nécessaire, que le Guide ayant été appelé à
Rome pour un ouvrage à faire à fresque à Saint-Jean de Latran ou Sainte-
Marie-Major, se trouvant hors d’exercice 3, avait fait enduire un morceau
de maçonnerie, sur lequel il avait peint un enfant dormant pour s’essayer,
et que cela était peint avec une franchise admirable, que le cardinal Barbarin
gardait encore ce morceau, quoique gâté en plusieurs endroits, pour ce que
l’enduit n’avait pas eu le temps de sécher qu’il 4 aurait été nécessaire;
qu’Annibal Carrache disait souvent que qui n’avait pas peint à fresque ne
pouvait pas être appelé peintre.
L’on a dîné et, pendant qu’on était à table, MM. de la Chambre, les deux
frères :i, sont venus. M. le Nonce a aussi envoyé un estafier avec ordre de le
venir avertir une demi-heure avant le départ du Cavalier. Cependant il est
•1. Friponnerie, friandise, gourmandise. Au xvi* siècle, friponncr avait surtout le sens
de bien manger.
± Ce Blondeau, qui ne figure pas dans le livre de M. Dussieux : les Artistes français
à l'étranger, 1856, iu-8°, ne se trouve pas non plus sur les listes publiées des membres
de l’Académie.
!!. Hors d'exercice, sans occupation, ayant du loisir.
4. Qu’il, autant qu’il.
?i. L’abbé dont il a été parlé plus haut et son frère François, premier médecin de la
Heine, mort en 1080,
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friponneries 1 », et en môme temps, il s’est mis à manger de ces confitures,
et il s’en est allé dans la ruelle de son lit, d’où il a apporté un dessin de
Vierge qu’il lui a donné. Après qu’elle l’a eu remercié et être restée encore
là quelque temps, elle a pris congé de lui. Il lui a fait de très grandes
civilités et beaucoup d’honneur, après quoi elle s’en est allée. Il s’est ensuite
entretenu avec l’abbé llutti, et moi je suis demeuré à discourir avec M. du
Metz à qui j’ai parlé pour le petit Blondeau, et lui ai représenté la charité
que ce serait de l’aider. 11 m’a dit que cela n’était pas encore hors
d’espérance, mais que M. Colbert avait dit, voyant le mémoire de ceux
qu’on envoie à Rome, qu’après qu’il aurait coûté de l’argent au Roi, pour
le faire instruire, il irait en Angleterre. Je lui ai dit qu’il n’y avait pas lieu
de craindre cela, que son père y était si mal que cela servirait à l’en
chasser et non pas à l’y attirer. 11 m’a dit qu’il y ferait ce qu’il pourrait, qu’il
avait écrit à côté de son nom : « Recommandé par M. le Cavalier Bernin »;
que le Roi n’en entretiendrait que huit jeunes garçons, quatre peintres et
quatre sculpteurs ; que le lils de Vouët, le fils de Sarrazin et autres de
l’Académie qu’il m’a nommés en étaient; que Blondeau n’était pas de
l’Académie. Je l’ai assuré que si, que le Cavalier l’y avait trouvé 2.
Le gentilhomme du prince Pamphile était là qui a été expédié, mais qui
n’avait pas encore ses dépêches pour pouvoir s’en aller avec le Cavalier
comme il eût souhaité. Mignard est venu prendre congé du Cavalier qui lui
a dit la façon dont il avait parlé de son ouvrage à la Reine-Mère. L’on a
discouru de la fresque : Mignard a dit qu’il a observé qu’il fallait différentes
méthodes d’y travailler, selon les différentes saisons de l’hiver et de l’été;
qu’il en était à présent si pratique qu’il n’avait rien à retoucher, et qu’il
exposait son ouvrage à être baigné tant qu’on voudrait; que ce qui l’a
beaucoup aidé, ç.'a été d’avoir travaillé à détrempe en sa jeunesse. Le
Cavalier a dit que l’usage est nécessaire, que le Guide ayant été appelé à
Rome pour un ouvrage à faire à fresque à Saint-Jean de Latran ou Sainte-
Marie-Major, se trouvant hors d’exercice 3, avait fait enduire un morceau
de maçonnerie, sur lequel il avait peint un enfant dormant pour s’essayer,
et que cela était peint avec une franchise admirable, que le cardinal Barbarin
gardait encore ce morceau, quoique gâté en plusieurs endroits, pour ce que
l’enduit n’avait pas eu le temps de sécher qu’il 4 aurait été nécessaire;
qu’Annibal Carrache disait souvent que qui n’avait pas peint à fresque ne
pouvait pas être appelé peintre.
L’on a dîné et, pendant qu’on était à table, MM. de la Chambre, les deux
frères :i, sont venus. M. le Nonce a aussi envoyé un estafier avec ordre de le
venir avertir une demi-heure avant le départ du Cavalier. Cependant il est
•1. Friponnerie, friandise, gourmandise. Au xvi* siècle, friponncr avait surtout le sens
de bien manger.
± Ce Blondeau, qui ne figure pas dans le livre de M. Dussieux : les Artistes français
à l'étranger, 1856, iu-8°, ne se trouve pas non plus sur les listes publiées des membres
de l’Académie.
!!. Hors d'exercice, sans occupation, ayant du loisir.
4. Qu’il, autant qu’il.
?i. L’abbé dont il a été parlé plus haut et son frère François, premier médecin de la
Heine, mort en 1080,