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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 32.1885

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Nr. 3
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Lafenestre, Georges: Le Musée de Harlem, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24593#0218

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LE MUSÉE DE HARLEM.

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d’une table. Leurs attitudes sentent la pose. Le peintre est obligé de
fixer plus longtemps son modèle, de le fixer de près. Déjà les mains,
brossées avec une impétuosité moins sûre d’elle-même, se rattachent
avec hésitation aux corps plus flottants ; toutefois les tètes, loyale-
ment vulgaires ou modestement nobles, s’enlevant en clairs, par
modelés coulants et gras, sur les fonds pleins d’obscurités vibrantes,
prennent une expression vive et intense d’une profondeur inat-
tendue. Dans les Régents, le vacillement des formes s’accentue; les
mains sont presque toutes trop petites, déformées, mal fixées à des
bras en moignons ; les têtes ne tiennent plus toujours sur les épaules,
marquant d’ailleurs une intention plus haute que jamais dans leur
facture puissamment expressive, malgré les violences croissantes
d’un martelage désespéré. Car le merveilleux virtuose ne veut pas,
il ne veut pas quitter ce pinceau qui le quitte ; et, dans cette
harmonie douloureuse de tons noirs, tristes comme un deuil, par
certaines notes exquises, d’un accent plus tendre que jamais, il
rappelle tout à coup, à rares intervalles, sa jeunesse lointaine, sa
jeunesse jojreuse ! « Tout lui manque, a dit admirablement Fro-
mentin, netteté de la vue, sûreté des doigts; il est d’autant plus
acharné à faire vivre les choses en des abstractions puissantes. »
Le critique sagace n’avait pas manqué non plus de signaler ces
délicieux ressouvenirs du vieil Hais pour les nuances claires en
admirant « le régent de droite avec son bas rouge, un morceau sans
prix1». On 11e trouve pas, dans l’histoire de l’art, d’exemple plus
émouvant d’une intelligence virile se débattant avec obstination,
au moment de s’éteindre, contre l’épouvantable loi de l’anéantis-
sement. A ce moment, Hais pense encore à son rival glorieux,
Rembrandt, qui en 1061 a fait les Syndics et qu’il va — de peu d’ail-
leurs— précéder dans la tombe, liais mourut le 26 août 1666, lais-
sant sa veuve dans la plus profonde misère. Rembrandt, beaucoup
plus jeune, devait le suivre le 8 octobre 1669. Avec eux disparais-
saient les deux grands initiateurs de la peinture hollandaise.

y.

A Harlem, autour de Hais, tout parait fade. Cependant, pendant
un siècle, peu ou beaucoup, tout porte sa marque. Aucun de ses
compatriotes n’échappe à son influence; quelques-uns eurent un vrai

1. Eugène Fromentin, les Maîtres d'autrefois, p. 311.
 
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