LE MUSÉE DE HARLEM.
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le constate, son grand registre sous les yeux. Les attitudes des deux
dames plus âgées, d’air plus noble aussi, assises sur le devant, sont
plus significatives encore ; l’une, à gauche, attend, cela se voit, les
générosités trop rares avec une certaine impatience hautaine; l’autre,
à droite, emploie les grands moyens; elle étend résolument la main
en regardant deux orphelins qu’amène une grosse servante, de mine
humble et matoise, et dont l’un, le petit garçon, montre piteusement
à sa protectrice sa manche toute déchirée. Cette scène naïve, empreinte
d’une bonhomie très locale, est traitée avec finesse et simplicité. Jan
Yerspronck est beaucoup moins heureux dans son Repas des officiers
de Saint-Georges, si toutefois ce tableau, non signé, non daté, tout
plein de vieilleries fades et de maladresses inexcusables après Hais,
ne doit pas être passé au compte de son père Cornelisz.
Jan de Bray a des attaches académiques plus durables que Vers-
pronck. Fils de Salomon de Bray, architecte, poète, rhétoricien,
mousquetaire, frère de Dick de Bray, le graveur, et de Jacob de
Bray, le peintre, avec lequel on l’a confondu, il a, durant le xvne siè-
cle, tenu grande place parmi les artistes de Harlem. Entre 1667
et 1685, on le trouve plusieurs fois doyen et commissaire de la
Guilde. 11 s’était marié trois fois, ce qui ne l’avait pas enrichi; car,
cinq ans avant sa mort, en 1689, on est obligé de lui donner un
conseil judiciaire pour vendre ses biens et payer ses dettes. C’est un
praticien bien sage pour succéder à Frans Hais comme peintre de
corporations. A mesure que le souvenir de son grand compatriote
s’affaiblit, il retombe, de plus en plus lourdement, mauvais héritier
à plusieurs degrés de Heemskerk et de Grebber, dans les banalités
prétentieuses et les maladresses pédantes. La série de ses toiles
classiques le montre, comme ses prédécesseurs, impuissant à réaliser
l’idéal plastique et ne retrouvant çà et là quelque force que par
l’introduction, bien ou mal justifiée, de morceaux faits d’après
nature. Ses Soins donnés aux orphelins dans la maison du Saint-Esprit,
de 1663, sont l’œuvre d’un réaliste un peu lourd, mais qui nous eût
intéressés s’il lut resté sur son terrain. La même année, il peint les
cinq Régents de i Hospice des enfants pauvres établissant leurs comptes
Cette fois il trouve moyen, après F. liais et Yerspronck, de faire,
dans une gamme plus claire et d’un pinceau moins sûr, mais avec
un accent admirable de vérité, une œuvre inattendue et originale.
Le fond gris de cette composition, sourd, plat, glacial, semble, par
malheur, avoir été repeint; mais les tètes, fortes et loyales, de ces
bourgeois sans apprêts, avec leurs longs cheveux traînant sur leurs
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le constate, son grand registre sous les yeux. Les attitudes des deux
dames plus âgées, d’air plus noble aussi, assises sur le devant, sont
plus significatives encore ; l’une, à gauche, attend, cela se voit, les
générosités trop rares avec une certaine impatience hautaine; l’autre,
à droite, emploie les grands moyens; elle étend résolument la main
en regardant deux orphelins qu’amène une grosse servante, de mine
humble et matoise, et dont l’un, le petit garçon, montre piteusement
à sa protectrice sa manche toute déchirée. Cette scène naïve, empreinte
d’une bonhomie très locale, est traitée avec finesse et simplicité. Jan
Yerspronck est beaucoup moins heureux dans son Repas des officiers
de Saint-Georges, si toutefois ce tableau, non signé, non daté, tout
plein de vieilleries fades et de maladresses inexcusables après Hais,
ne doit pas être passé au compte de son père Cornelisz.
Jan de Bray a des attaches académiques plus durables que Vers-
pronck. Fils de Salomon de Bray, architecte, poète, rhétoricien,
mousquetaire, frère de Dick de Bray, le graveur, et de Jacob de
Bray, le peintre, avec lequel on l’a confondu, il a, durant le xvne siè-
cle, tenu grande place parmi les artistes de Harlem. Entre 1667
et 1685, on le trouve plusieurs fois doyen et commissaire de la
Guilde. 11 s’était marié trois fois, ce qui ne l’avait pas enrichi; car,
cinq ans avant sa mort, en 1689, on est obligé de lui donner un
conseil judiciaire pour vendre ses biens et payer ses dettes. C’est un
praticien bien sage pour succéder à Frans Hais comme peintre de
corporations. A mesure que le souvenir de son grand compatriote
s’affaiblit, il retombe, de plus en plus lourdement, mauvais héritier
à plusieurs degrés de Heemskerk et de Grebber, dans les banalités
prétentieuses et les maladresses pédantes. La série de ses toiles
classiques le montre, comme ses prédécesseurs, impuissant à réaliser
l’idéal plastique et ne retrouvant çà et là quelque force que par
l’introduction, bien ou mal justifiée, de morceaux faits d’après
nature. Ses Soins donnés aux orphelins dans la maison du Saint-Esprit,
de 1663, sont l’œuvre d’un réaliste un peu lourd, mais qui nous eût
intéressés s’il lut resté sur son terrain. La même année, il peint les
cinq Régents de i Hospice des enfants pauvres établissant leurs comptes
Cette fois il trouve moyen, après F. liais et Yerspronck, de faire,
dans une gamme plus claire et d’un pinceau moins sûr, mais avec
un accent admirable de vérité, une œuvre inattendue et originale.
Le fond gris de cette composition, sourd, plat, glacial, semble, par
malheur, avoir été repeint; mais les tètes, fortes et loyales, de ces
bourgeois sans apprêts, avec leurs longs cheveux traînant sur leurs