LA COLLECTION ALBERT GOUPIL.
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et à Yalgemina ; la Perse se dit en arabe, el-agem. Un voyageur vénitien,
qui visitait la Perse l’an 1610, s’explique nettement là-dessus : « Di
maniera clie in queste parti tanto è dir Parsi quanto agiami : dal
quai nome agiami dériva quel nostro italiano de i lavori ail’ agia-
mina, cio e d’incastrar l’oro et l’argento nel ferro, i quali oggidi si
usano molto, ben chè in Italia si faccio piu belli et con pin disegno. >>
Pietro délia ALille avait raison; aux premières années de ce
xvne siècle où il écrivait, les imitateurs avaient dépassé les maîtres.
Des Ecoles s’étaient formées en Italie, très séparées, très distinctes et
que Benvenuto Cellini a énumérées dans ses Mémoires :
« A cette époque, il me tomba entre les mains certains petits poi-
gnards turcs dont la poignée, la lame et la gaine étaient en acier et
ornées de beaux feuillages orientaux gravés au burin et incrustés
d’or. Ce genre de travail appartient à un art qui diffère beaucoup de
ceux que j’avais jusqu’alors pratiqués. Néanmoins j’éprouvais un vif
désir de m’y essayer et j’y réussis si bien que j’exécutai quelques
ouvrages infiniment plus beaux et plus solides que ceux des Turcs. Il
y avait à cela plusieurs raisons : l’une était que je fouillais mes aciers
plus profondément, l’autre que les feuillages turcs ne sont composés
que de feuilles de colocasie et de petites fleurs de corona solis qui,
tout en n’étant pas dépourvues d'élégance, ne plaisent cependant pas
autant que les nôtres. En Italie nous imitons différentes sortes de
feuillage. Les Lombards en font de très beaux en représentant des
feuilles de lierre et de couleuvrée avec leurs élégants enroulements
qui sont d’un effet si heureux. Les Toscans et les Romains ont été
encore mieux inspirés dans leur choix en reproduisant la feuille
d’acanthe, ou branche ursine, avec ses festons et ses fleurs contournées
de mille façons et gracieusement entremêlées d’oiseaux et d’animaux.
C’est là où Ton voit qu’il y a bon goût. Ils ont aussi recours aux
plantes sauvages, telles que celle que Ton appelle muffle de lion. Nos
vaillants artistes accompagnent ces fleurs d’une foule de ces beaux et
capricieux ornements que les ignorants appellent grotesques. »
Cellini ne mentionne pas les travaux des Vénitiens. La cité
d’Orient bâtie au fond de l’Adriatique était restée fidèle à l’orne-
mentation arabe dans ses dessins, dans ses entrelacs, ses arabesques,
à ce point qu’il est souvent bien difficile de distinguer, je parle d’une
certaine époque de l’art, un plat ou un vase vénitien, d’un plat ou
d’un vase oriental.
L’Orienta lui aussi ses Ecoles de damasquineurs, au Caire, àAlep,
à Damas, qui traitent le dessin avec une merveilleuse dextérité, qui
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et à Yalgemina ; la Perse se dit en arabe, el-agem. Un voyageur vénitien,
qui visitait la Perse l’an 1610, s’explique nettement là-dessus : « Di
maniera clie in queste parti tanto è dir Parsi quanto agiami : dal
quai nome agiami dériva quel nostro italiano de i lavori ail’ agia-
mina, cio e d’incastrar l’oro et l’argento nel ferro, i quali oggidi si
usano molto, ben chè in Italia si faccio piu belli et con pin disegno. >>
Pietro délia ALille avait raison; aux premières années de ce
xvne siècle où il écrivait, les imitateurs avaient dépassé les maîtres.
Des Ecoles s’étaient formées en Italie, très séparées, très distinctes et
que Benvenuto Cellini a énumérées dans ses Mémoires :
« A cette époque, il me tomba entre les mains certains petits poi-
gnards turcs dont la poignée, la lame et la gaine étaient en acier et
ornées de beaux feuillages orientaux gravés au burin et incrustés
d’or. Ce genre de travail appartient à un art qui diffère beaucoup de
ceux que j’avais jusqu’alors pratiqués. Néanmoins j’éprouvais un vif
désir de m’y essayer et j’y réussis si bien que j’exécutai quelques
ouvrages infiniment plus beaux et plus solides que ceux des Turcs. Il
y avait à cela plusieurs raisons : l’une était que je fouillais mes aciers
plus profondément, l’autre que les feuillages turcs ne sont composés
que de feuilles de colocasie et de petites fleurs de corona solis qui,
tout en n’étant pas dépourvues d'élégance, ne plaisent cependant pas
autant que les nôtres. En Italie nous imitons différentes sortes de
feuillage. Les Lombards en font de très beaux en représentant des
feuilles de lierre et de couleuvrée avec leurs élégants enroulements
qui sont d’un effet si heureux. Les Toscans et les Romains ont été
encore mieux inspirés dans leur choix en reproduisant la feuille
d’acanthe, ou branche ursine, avec ses festons et ses fleurs contournées
de mille façons et gracieusement entremêlées d’oiseaux et d’animaux.
C’est là où Ton voit qu’il y a bon goût. Ils ont aussi recours aux
plantes sauvages, telles que celle que Ton appelle muffle de lion. Nos
vaillants artistes accompagnent ces fleurs d’une foule de ces beaux et
capricieux ornements que les ignorants appellent grotesques. »
Cellini ne mentionne pas les travaux des Vénitiens. La cité
d’Orient bâtie au fond de l’Adriatique était restée fidèle à l’orne-
mentation arabe dans ses dessins, dans ses entrelacs, ses arabesques,
à ce point qu’il est souvent bien difficile de distinguer, je parle d’une
certaine époque de l’art, un plat ou un vase vénitien, d’un plat ou
d’un vase oriental.
L’Orienta lui aussi ses Ecoles de damasquineurs, au Caire, àAlep,
à Damas, qui traitent le dessin avec une merveilleuse dextérité, qui