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GAZETTE ÜES BEAUX-ARTS.
Sans doute, il y a parmi ces monuments quelques sujets qui
reproduisent effectivement des membres du clergé régulier. Mais
ceux-ci ne composent pas la totalité, ni peut-être même la majorité
des figurines. Ces plourants, comme on les désignait au xve siècle,
étaient destinés, ainsi que je l’ai déjà dit, à représenter les divers
officiers laïques ou ecclésiastiques de la cour du seigneur défunt, tels
qu’ils étaient costumés le jour de l’enterrement, quand ils avaient
mené le deuil. Cette décoration sculptée des mausolées avait incon-
testablement pour but de conserver le souvenir de la pompe funèbre
du souverain ou du haut baron décédé ', en respectant pour le présent
et en consacrant pour l’avenir toutes les règles de l’étiquette féodale2.
Plus tard, ce cortège d’apparat perdit vraisemblablement la rigueur
primitive de son caractère officiel et se réduisit à ce que sont aujour-
d’hui en Italie les processions de confréries qui suivent les enter-
rements. Il est possible qu’au xvie siècle, dans les pompes funèbres
seigneuriales, l’emploi de plourants costumés n’ait plus été qu’un
1. Le fait était reconnu déjà au xvinc siècle. Voici une curieuse description des
tombeaux des ducs de Bourgogne, publiée par le Mercure cle France en 172-3, p. 293
à 300 : « ... On ne voit dans le chœur de l’église (des Chartreux) que les deux mau-
solées des deux premiers ducs, très bien conservés. Le premier est celui de Philippe
le Hardy, fondateur, dont la figure est représentée au naturel, couché et armé de
pied en cap sous une ample draperie ou manteau ducal, ayant à sa tète deux anges
à genoux qui soutiennent son casque et un lion à ses pieds. Bien n’est si beau ni
si parfait que ce monument, tant pour la rareté des marbres précieux dont il est
composé, que pour la correction du dessin et surtout pour la singularité de plusieurs
petites figures de marbre blanc de 13 pouces environ de hauteur, au nombre
de 40, qui sont autour du tombeau et qui représentent le convoi du prince. On
voit d’abord un acolyte qui tient un bénitier, ensuite deux autres qui portent des
chandeliers, un porte-croix, un diacre, un évêque en chape et en mitre, trois
chapiers, puis deux figures de chartreux tenant un livre ouvert dans leurs mains.
Les autres figures suivantes représentent les principaux officiers du prince dans
leurs habits de cérémonie. Toutes ces figures expriment différemment l’abattement
et la douleur et c’est celte variété d’expressions qui fait connaître le grand arl et
l’habileté du sculpteur et qui attire l’admiration des connaisseurs, etc...
Au-dessous de ce mausolée, en face du grand autel, est celui du duc Jean, son
fils, surnommé Sans peur, dont la figure couchée est représentée au naturel avec
celle de Marguerite de Bavière, sa femme. Ce monument est de la môme grandeur
que l’autre et de la même beauté, avec le même nombre de petites figures de
marbre blanc qui sont autour du tombeau et qui représentent le convoi de ce prince
de la même manière que celui de Philippe le Hardy... »
2. Voy. les Obsèques de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, par E. L. Lory, dans
les Mémoires de la commission des antiquités de la Côte d’Or, t. à II, p. 219 et sui-
vantes.
GAZETTE ÜES BEAUX-ARTS.
Sans doute, il y a parmi ces monuments quelques sujets qui
reproduisent effectivement des membres du clergé régulier. Mais
ceux-ci ne composent pas la totalité, ni peut-être même la majorité
des figurines. Ces plourants, comme on les désignait au xve siècle,
étaient destinés, ainsi que je l’ai déjà dit, à représenter les divers
officiers laïques ou ecclésiastiques de la cour du seigneur défunt, tels
qu’ils étaient costumés le jour de l’enterrement, quand ils avaient
mené le deuil. Cette décoration sculptée des mausolées avait incon-
testablement pour but de conserver le souvenir de la pompe funèbre
du souverain ou du haut baron décédé ', en respectant pour le présent
et en consacrant pour l’avenir toutes les règles de l’étiquette féodale2.
Plus tard, ce cortège d’apparat perdit vraisemblablement la rigueur
primitive de son caractère officiel et se réduisit à ce que sont aujour-
d’hui en Italie les processions de confréries qui suivent les enter-
rements. Il est possible qu’au xvie siècle, dans les pompes funèbres
seigneuriales, l’emploi de plourants costumés n’ait plus été qu’un
1. Le fait était reconnu déjà au xvinc siècle. Voici une curieuse description des
tombeaux des ducs de Bourgogne, publiée par le Mercure cle France en 172-3, p. 293
à 300 : « ... On ne voit dans le chœur de l’église (des Chartreux) que les deux mau-
solées des deux premiers ducs, très bien conservés. Le premier est celui de Philippe
le Hardy, fondateur, dont la figure est représentée au naturel, couché et armé de
pied en cap sous une ample draperie ou manteau ducal, ayant à sa tète deux anges
à genoux qui soutiennent son casque et un lion à ses pieds. Bien n’est si beau ni
si parfait que ce monument, tant pour la rareté des marbres précieux dont il est
composé, que pour la correction du dessin et surtout pour la singularité de plusieurs
petites figures de marbre blanc de 13 pouces environ de hauteur, au nombre
de 40, qui sont autour du tombeau et qui représentent le convoi du prince. On
voit d’abord un acolyte qui tient un bénitier, ensuite deux autres qui portent des
chandeliers, un porte-croix, un diacre, un évêque en chape et en mitre, trois
chapiers, puis deux figures de chartreux tenant un livre ouvert dans leurs mains.
Les autres figures suivantes représentent les principaux officiers du prince dans
leurs habits de cérémonie. Toutes ces figures expriment différemment l’abattement
et la douleur et c’est celte variété d’expressions qui fait connaître le grand arl et
l’habileté du sculpteur et qui attire l’admiration des connaisseurs, etc...
Au-dessous de ce mausolée, en face du grand autel, est celui du duc Jean, son
fils, surnommé Sans peur, dont la figure couchée est représentée au naturel avec
celle de Marguerite de Bavière, sa femme. Ce monument est de la môme grandeur
que l’autre et de la même beauté, avec le même nombre de petites figures de
marbre blanc qui sont autour du tombeau et qui représentent le convoi de ce prince
de la même manière que celui de Philippe le Hardy... »
2. Voy. les Obsèques de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, par E. L. Lory, dans
les Mémoires de la commission des antiquités de la Côte d’Or, t. à II, p. 219 et sui-
vantes.