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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 32.1885

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Nr. 5
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Gonse, Louis: La Ronde de nuit et les dernières années de la vie de Rembrandt: à propos de l'inauguration du nouveau Musée d'Amsterdam
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https://doi.org/10.11588/diglit.24593#0425

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408

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Une photographie que je fis exécuter d’après cette précieuse copie de Londres
et un voyage à Amsterdam l’année suivante me confirmèrent encore, si c’était
possible, dans cette conviction, et, le 3 novembre -1883, dans un article de la Revue
politique et littéraire à propos de la conservation des tableaux, j’écrivais incidem-
ment ce qui suit :

« Au bon vieux temps, quand un tableau se trouvait trop vaste pour son nouvel
emplacement, on le rognait. Dans la plupart des cas, la postérité a dù ignorer
ces mutilations. Parfois cependant elle en était informée : c’est ce qui arrive par
exemple pour la Iionde de nuit. Oui, la Ronde de nuit, un des plus beaux chefs-
d’œuvre du grand Hollandais, a subi ce traitement. Ce fut sans doute dans les
premières années du xvme siècle. On lui ôta deux bandes latérales, dont une large
de deux pieds ou peu s’en faut, et on le rogna très probablement aussi dans le
sens horizontal... Nous essayerons d’en faire la preuve un autre jour. »

La preuve est faite aujourd’hui, nous pouvons le croire sans attendre la
publication du document qui concerne Lundens. Mais n’est-il pas singulier qu’il
ait fallu la découverte d’un nouveau document d’archives pour arriver à prouver
la mutilation d’un tableau si connu? Ni Josuali Reynolds, ni Smith, ni Thoré, ni
Charles Blanc, ni M. Rode, ni M. Dutuit, ni aucun de ceux qui ont publié des
études sur Rembrandt, n’a écrit un seul mot qui pût faire soupçonner ce fait.
Mieux encore, le savant M. Vosmaer, l’apôtre du grand Hollandais, l’auteur de
Rembrandt, sa vie et ses œuvres, avait été mis sur la voie de cette découverte;
mais, distrait par l’énorme quantité des matériaux qu’il avait à utiliser et à classer
pour son grand ouvrage, il laissa tomber la question. « Van Dijk (dit-il, p. 219) est
l’auteur de la supposition qu’on aurait retranché à la toile deux bandes pour la
faire entrer dans l’espace compris entre deux portes; supposition qu’il base sur
ce que l’esquisse Boendermaker avait encore deux personnages à gauche et que
le tambour était entier i. Celte assertion paraît peu fondée et la compostion ne
suggère pas l'idée d’une pareille mutilation. » Le sagace et consciencieux critique
n’aurait pas écrit la phrase que nous soulignons s’il avait eu sous les yeux la
copie de Londres. Car il est impossible, quand on s’est familiarisé avec ce petit
tableau, de no pas sentir que la Ronde de nuit actuelle — dans son état actuel,
voulons-nous dire — semble étouffer dans un cadre trop étroit. Ce Van Dijk qui
fut chargé de nettoyer le grand tableau en 1738, ne s'y est pas trompé. Il avait
comme point de comparaison un petit tableau, à cette époque dans la galerie
Boendermaker d’Amsterdam, qu’il affirmait être l’esquisse originale de la main
môme de Rembrandt.

Quoi qu’il en soit, le document cité par M. Vosmaer prouve qu’en 1738 la
mutilation avait déjà eu lieu, qu’il manquait sur la gauche une bande renfermant
deux personnages, et sur la droite une autre bande beaucoup moins large qui
avait emporté la moitié du tambour; ajoutons qu’elle avait forcément emporté la
moitié de l’homme au casque noir qui est visible, en buste, au-dessus de la tète
du tambour. Nous parlerons tout à l'heure des mutilations dans le sens horizontal,
moins importantes d’ailleurs. Van Dijk dit encore que le tableau aurait été mutilé
« pour entrer dans l’espace compris entre deux portes ». Or, nous savons par

L Description artistique et historique de tontes les peintures de l’hôtel de ville
d’Amsterdam, 1758 (en hollandais).
 
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