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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 32.1885

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Nr. 5
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Gonse, Louis: La Ronde de nuit et les dernières années de la vie de Rembrandt: à propos de l'inauguration du nouveau Musée d'Amsterdam
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https://doi.org/10.11588/diglit.24593#0428

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LA RONDE DE NUIT.

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d’un flair Irès subtil en certains points de sa critique. « Si vous examinez la Ronde
de nuit, dit-il dans ses Maîtres d’autrefois (p. 327), vous vous apercevrez que, par
une mise en toile un peu risquée, les deux premières figures du tableau posées
à fleur de cadre ont à peine la reculée qu’exigeraient les nécessités du clair-obscur
et les obligations d’un effet bien calculé. » Ailleurs, p. 331, il reproche à Rembrandt
« un tambour qui pose pour la tête en battant sa caisse ». En effet, dans l’état
actuel du tableau, le tambour semble avancer la moitié de sa tète de derrière le
cadre pour se faire remarquer, et le capitaine Cock appuie littéralement la pointe
de son pied droit sur le bord du cadre. Mais la faute n’en est pas à Rembrandt;
elle doit retomber sur la tète du mutilateur inconnu. Tout le reste de la critique
de Fromentin se ressent plus ou moins du malaise inexplicable que lui causaient
ces mutilations dont il ignorait l’existence. 11 a de même attribué à Rembrandt,
pour la couleur et l’effet, certains défauts qui provenaient uniquement du temps et
des vernisseurs.

Pendant longtemps on a répété que Rembrandt peignait dans une cave, qu’il
aimait la peinture sombre même dans les effets de plein jour. Sans aucun doute, il
a été particulièrement attiré et charmé par le mystère des demi-teintes, par les
mélanges en proportions infiniment variées de la lumière et de l’ombre. M.Vosmaër
cite une lettre où le grand artiste priait l’acquéreur d’un de ses ouvrages de placer
cette peinture dans l’embrasure d’une fenêtre, de façon à l’éclairer vivement : cette
recommandation n’aurait eu aucun sens à propos d’une peinture extrêmement
claire, d'un effet de matin de Corot, par exemple, mais d’autre part, si le tableau
du grand Hollandais avait eu des ombres lourdes, noires, opaques, la recomman-
dation eût été non moins inutile; aucun voisinage de fenêtre n’aurait fait voir
clair dans des ombres de cette espèce. La lettre de Rembrandt prouve donc que
son tableau avait des ombres transparentes, facilement perméables à la lumière.
Si l’on veut se rendre compte de ce que pouvaient être les peintures de Rembrandt
au moment où elles sortaient de l’atelier du Maître c’est dans les belles épreuves,
dans les premiers états de ses eaux-fortes qu’il faut regarder. Les ombres les plus
foncées y sont toujours transparentes, les demi-teintes y sont exprimées par des
tailles serrées, mais tellement fines qu’elles laissent toujours largement jouer le
blanc du papier. Une excellente épreuve et une épreuve médiocre de la Pièce aux
cent florins sont aussi différentes l’une de l’autre qu’un tableau aux ombres légères
et ce même tableau noirci parle temps.

Après un examen attentif de ses eaux-fortes, on restera convaincu que Rem-
brandt a eu dans la plupart de scs ouvrages une prédilection pour les clemi-teintes
transparentes et que, sauf dans quelques-unes des œuvres de sa dernière période,
il a manifesté une véritable horreur pour les ombres opaques, les ombres « non-
lumineuses », pourrions-nous dire.

M. Vosmaèr semble croire pourtant (p. 220) que, « si le temps et les vernisseurs
ont aidé à obscurcir le tableau, il était peint dès son origine dans un ton foncé »
et il cite à l’appui de son opinion ce que Samuel van Iloogstraten, le disciple de
Rembrandt, écrivait en 1678 dans son Introduction à l’Académie de peinture.

«... Il (Rembrandt) s’est plus occupé de la grande figure ou du groupe principal
qui avaient été commandés. Et cependant celte même œuvre, quoi qu’on y puisse
blâmer, se maintiendra plus longtemps, à mon avis, que toutes ses analogues ;
parce qu’elle est si pittoresque de pensée, si élégante d’agencement et si puissante,
 
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