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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
destinée à fixer l’or sur le parchemin. On fabriquait d’autre rouge
avec le cinabre et le minium, appelé aussi stoppium ou stupium. Ce
dernier mot, très peu répandu, est, en effet, cité par Dieffenbacli comme
désignant, dans la basse latinité, une variété de rouge L Le cinabre
(icinobrium ou cinabrinm), composé de soufre et de vif-argent, est le
vermillon. Le minium, substance tirée du plomb, qui a donné son
nom à la miniature, sans doute parce qu’elle formait à elle seule toute
la décoration des plus anciens manuscrits, est un rouge un peu plus
clair, se rapprochant davantage de la nuance orangée. Ces deux
couleurs étaient également très communes 1 2.
Le jaune, désigné par le nom de glaucus, nom à la signification
changeante comme la nuance de la mer ou celle des yeux de
Minerve, auxquelles il s’applique de préférence, était emprunté à
une terre particulière (terra glauca), identique sans doute à l’ocre
jaune, ou au minéral appelé orpiment (auripigmentim), qui est
un trisulfure d’arsenic, ou à l’or fin, ou au safran (crocum). Mais
le jaune d’orpiment n’était pas avantageux pour la peinture sur
vélin, car il avait l’inconvénient de ramener, par son odeur forte,
à leur teinte métallique la céruse, le minium et le vert d’airain
combinés avec d’autres couleurs 3 4. Le safran se mêlait souvent
à la céruse pour faire un jaune plus clair. Il y avait, en outre,
quatre jaunes artificiels. Le premier se fabriquait avec la racine
du curcuma (curcumus), plante très riche en couleur, appelée aussi
souchet ou safran des Indes, et produisant une teinte orangée; elle
sert encore aujourd’hui à la composition des jaunes. Le second
se faisait en mélangeant de la céruse au suc d’une plante appelée
ici herbci rocchia, herba tinctorum ou folionum, et qui, sans doute,
n’est autre chose que la garance (rubia tinctorum)L Le troisième
était l’or mussif (aurum musicum, pour musivum), bisulfure d’étain,
auquel on mélangeait du soufre, du mercure, des acides, du sel
commun et du sel ammoniaque (salarmoniacum). Sa fabrication offrait
un phénomène singulier : elle produisait, comme certaines opérations
alchimiques, des étincelles d’or ou une matière dorée, que l’on recueil-
lait avec soin. Au reste, ce jaune particulier devait avoir à pou près
1. Au mot Stoppeus. Ital. Stoppio.
2. Nos 1, 6, 14.
3. L'aunpigmentum, quoique naturel, subissait néanmoins des préparations.
Cf. Muratori, Ântiq. ital., II, 383.
4. Le terme d’herbe il foulon s’est conservé chez nous; mais il s’applique, je
crois, à une autre plante.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
destinée à fixer l’or sur le parchemin. On fabriquait d’autre rouge
avec le cinabre et le minium, appelé aussi stoppium ou stupium. Ce
dernier mot, très peu répandu, est, en effet, cité par Dieffenbacli comme
désignant, dans la basse latinité, une variété de rouge L Le cinabre
(icinobrium ou cinabrinm), composé de soufre et de vif-argent, est le
vermillon. Le minium, substance tirée du plomb, qui a donné son
nom à la miniature, sans doute parce qu’elle formait à elle seule toute
la décoration des plus anciens manuscrits, est un rouge un peu plus
clair, se rapprochant davantage de la nuance orangée. Ces deux
couleurs étaient également très communes 1 2.
Le jaune, désigné par le nom de glaucus, nom à la signification
changeante comme la nuance de la mer ou celle des yeux de
Minerve, auxquelles il s’applique de préférence, était emprunté à
une terre particulière (terra glauca), identique sans doute à l’ocre
jaune, ou au minéral appelé orpiment (auripigmentim), qui est
un trisulfure d’arsenic, ou à l’or fin, ou au safran (crocum). Mais
le jaune d’orpiment n’était pas avantageux pour la peinture sur
vélin, car il avait l’inconvénient de ramener, par son odeur forte,
à leur teinte métallique la céruse, le minium et le vert d’airain
combinés avec d’autres couleurs 3 4. Le safran se mêlait souvent
à la céruse pour faire un jaune plus clair. Il y avait, en outre,
quatre jaunes artificiels. Le premier se fabriquait avec la racine
du curcuma (curcumus), plante très riche en couleur, appelée aussi
souchet ou safran des Indes, et produisant une teinte orangée; elle
sert encore aujourd’hui à la composition des jaunes. Le second
se faisait en mélangeant de la céruse au suc d’une plante appelée
ici herbci rocchia, herba tinctorum ou folionum, et qui, sans doute,
n’est autre chose que la garance (rubia tinctorum)L Le troisième
était l’or mussif (aurum musicum, pour musivum), bisulfure d’étain,
auquel on mélangeait du soufre, du mercure, des acides, du sel
commun et du sel ammoniaque (salarmoniacum). Sa fabrication offrait
un phénomène singulier : elle produisait, comme certaines opérations
alchimiques, des étincelles d’or ou une matière dorée, que l’on recueil-
lait avec soin. Au reste, ce jaune particulier devait avoir à pou près
1. Au mot Stoppeus. Ital. Stoppio.
2. Nos 1, 6, 14.
3. L'aunpigmentum, quoique naturel, subissait néanmoins des préparations.
Cf. Muratori, Ântiq. ital., II, 383.
4. Le terme d’herbe il foulon s’est conservé chez nous; mais il s’applique, je
crois, à une autre plante.