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GAZETTE DES BEAUX-AllTS.
moi les petits enfants. La section allemande, je le dis bien haut, ne
compte pas, avec l’Orphelinat en Hollande, de M. Walther Finie, de
plus sérieux et de plus intéressant effort. Et la commission de
placement a si bien compris le séditieux d’une pareille œuvre, que
M. Yon Uhde et les rares peintres de la vie expressive et des
ambiances claires, comme MM. Liebermann et Hoecker, ont été
unanimement relégués aux frises.
Vainement chercherait-on trace de quelque aspiration semblable
chez les peintres à qui incombe le difficile honneur de maintenir le
renom de l’Espagne. Leur sens de la couleur, dévoyé, tourné à une
cuisine de tons brûlés, avec un goût du scintillant et du pailleté,
s’oblitère en des ragoûts faisandés et des coulis épais. Mais peut-être
serait-il de mauvais goût de risquer un jugement synoptique d’après
des manifestations fortuites et désordonnées. L’Angleterre non plus
d’ailleurs n’apparaît pas à son rang avec la maigre ration à laquelle elle
nous convie. Millais, que la faveur du continent a particulièrement
distingué, laisse un vide dont la section se ressent et MM. Leighton,
Alma-Tadema, Herkomer, Prinsep, Mooris et Watts ne se sont pas
montrés, cette fois du moins, de taille à le combler. Mlle C. Montalba
elle-même, qui nous a accoutumés aux trouvailles, s’uniformise et
s’assoupit dans les monochromies citrines de son Saint-Marc. Seul,
ou à peu près seul, M. Orchardson, grave jusque dans l’aimable
afféterie de son art, expose des œuvres entièrement dignes de sa
réputation. La Tasse de thé et The qnen of swords sont deux toiles d’une
vie et d’un coloris discrets, où les figures se meuvent comme avec
des gestes de somnambules. Cela vous touche non comme une réalité,
mais comme une illusion, l’accord lointain d’une musique entendue
en rêve, une approximation indécise de la nature qui caractérise bien
le spiritualisme britannique. Mais qui donc oserait parler de nature
à propos d’artistes dont la visée permanente va à l’encontre de ses
enseignements et s’observe pour en atténuer toujours la répercussion?
Il faut se tourner vers la France, la Belgique et la Hollande si
l’on veut reprendre pied sur la terre ferme de l’art, dans les certi-
tudes d’une transcription logique, lucide, franchement naturiste.
La France et la Belgique surtout monopolisent, dans la théorie et
la pratique, le don de résurrectionner la tradition : la première
en l’accroissant de l’afflux de son nerveux et indépendant génie;
la seconde en y appliquant les énergies rajeunies de son excep-
tionnelle faculté de peindre. On pourrait dire, en généralisant,
que si, par la sagacité et les ressources de la conception, l’affine-
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moi les petits enfants. La section allemande, je le dis bien haut, ne
compte pas, avec l’Orphelinat en Hollande, de M. Walther Finie, de
plus sérieux et de plus intéressant effort. Et la commission de
placement a si bien compris le séditieux d’une pareille œuvre, que
M. Yon Uhde et les rares peintres de la vie expressive et des
ambiances claires, comme MM. Liebermann et Hoecker, ont été
unanimement relégués aux frises.
Vainement chercherait-on trace de quelque aspiration semblable
chez les peintres à qui incombe le difficile honneur de maintenir le
renom de l’Espagne. Leur sens de la couleur, dévoyé, tourné à une
cuisine de tons brûlés, avec un goût du scintillant et du pailleté,
s’oblitère en des ragoûts faisandés et des coulis épais. Mais peut-être
serait-il de mauvais goût de risquer un jugement synoptique d’après
des manifestations fortuites et désordonnées. L’Angleterre non plus
d’ailleurs n’apparaît pas à son rang avec la maigre ration à laquelle elle
nous convie. Millais, que la faveur du continent a particulièrement
distingué, laisse un vide dont la section se ressent et MM. Leighton,
Alma-Tadema, Herkomer, Prinsep, Mooris et Watts ne se sont pas
montrés, cette fois du moins, de taille à le combler. Mlle C. Montalba
elle-même, qui nous a accoutumés aux trouvailles, s’uniformise et
s’assoupit dans les monochromies citrines de son Saint-Marc. Seul,
ou à peu près seul, M. Orchardson, grave jusque dans l’aimable
afféterie de son art, expose des œuvres entièrement dignes de sa
réputation. La Tasse de thé et The qnen of swords sont deux toiles d’une
vie et d’un coloris discrets, où les figures se meuvent comme avec
des gestes de somnambules. Cela vous touche non comme une réalité,
mais comme une illusion, l’accord lointain d’une musique entendue
en rêve, une approximation indécise de la nature qui caractérise bien
le spiritualisme britannique. Mais qui donc oserait parler de nature
à propos d’artistes dont la visée permanente va à l’encontre de ses
enseignements et s’observe pour en atténuer toujours la répercussion?
Il faut se tourner vers la France, la Belgique et la Hollande si
l’on veut reprendre pied sur la terre ferme de l’art, dans les certi-
tudes d’une transcription logique, lucide, franchement naturiste.
La France et la Belgique surtout monopolisent, dans la théorie et
la pratique, le don de résurrectionner la tradition : la première
en l’accroissant de l’afflux de son nerveux et indépendant génie;
la seconde en y appliquant les énergies rajeunies de son excep-
tionnelle faculté de peindre. On pourrait dire, en généralisant,
que si, par la sagacité et les ressources de la conception, l’affine-