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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 32.1885

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Nr. 6
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Portalis, Roger: Les peintures décoratives de Fragonard et les panneaux de Grasse
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https://doi.org/10.11588/diglit.24593#0503

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482

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

ces marques de négligence et de fougue; elles sont beaucoup plus
sages et soignées et la remarque est frappante surtout dans les im-
portantes peintures de Grasse exécutées vers 1770, cinq ou six ans
après son retour de Rome.

Les premières études de Fragonard l’avaient préparé à cette ma-
nière qui réclame tant de prestige dans l’exécution. Elève et colla-
borateur de Bouclier dans la préparation des travaux qu’il brossait
au beau temps de Mme de Pompadour, pour la cour et la ville, son
séjour auprès d’un tel maître était bien la meilleure initiation à la
peinture décorative telle que la comprenait l’idéal frivole de l’époque.
11 a subi son influence comme il subit ensuite celle des grands déco-
rateurs italiens. Tout en surprenant leurs secrets, le jeune artiste
n’a été que trop impressionné par Tiepolo et Solimène. Ils ont assou-
pli son talent, éclairé son remarquable tempérament de coloriste,
mais n’ont-ils pas un peu trop porté le peintre au pastiche?

À son retour de Rome, tout imprégné d’eux, c’est leur influence
qui le domine quand il prend son pinceau pour exécuter son célèbre
tableau de Corésus se sacrifiant pour sauver Callirhoé, — effort louable
mais unique, vers le grand art et la peinture sérieuse. L’écho des.
espérances que ce tableau si poétiquement décrit par Diderot avait
fait naître s’éteignait à peine, qu’il était déjà sollicité par les fer-
miers généraux et par les femmes à la mode désireux d’orner leurs
hôtels ou leurs petites maisons des faubourgs. N’était-il pas sollicité
par un seigneur de la cour de peindre sa maîtresse balancée par un
évêque? Fragonard obtint de remplacer celui-ci par un bonhomme de
mari, mais ne put éviter de peindre l’amoureux couché sur l’herbe
et profitant des Hasards heureux de l’escarpolette. Bientôt sa répu-
tation de peintre léger et chatoyant commençait à percer; on voulait
avoir de lui, qui des trumeaux, qui un plafond, ou tout au moins un
paysage; de cette époque datent ses relations avec le monde delà
finance. Au Salon de 1767 était exposé le plafond destiné à l’hôtel de
Bergeret de Grandcour, fermier général, amateur d’art, qui le
prendra pour cicerone dans le grand voyage d’Italie qu’ils feront
ensemble à quelques années de là. Groupes d’enfants dans le ciel, tel
était le titre de cette peinture que Bachaumont trouvait exécutée
« d’une manière très légère et très aérienne »; on peut s’en faire une
idée par la gravure au lavis due à son ami l’abbé de Saint-Non;
elle fut au contraire malmenée par Diderot, qui n’y voyait qu’une
« grande et belle omelette d’enfants, bien douillette et bien jaune ».

Le critique avait rêvé pour Fragonard l’avenir d’un peintre
 
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