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GAZETTE DES BEAUX-AllTS.
La construction de cet élégant et célèbre édicule, destiné aux
collations du Roi, commença le 15 septembre 1770 sous la direction
de l’architecte Ledoux et fut terminée au début de l’année 1772.
Composé seulement d’un rez-de-chaussée orné d’un péristyle au
fronton duquel se déroulait une bacchanale due au ciseau du sculpteur
Lecomte, il ne s’y trouvait pas de chambres à coucher. On entrait
dans le vestibule décoré de groupes de femmes du même artiste et de
Pajou. Il ouvrait sur trois salons. Celui de gauche, de forme ovale, au
plafond peint par Briard, servait de salle à manger : Moreau le jeune,
dans l’aquarelle du Louvre représentant un souper offert à Louis XY
par sa maîtresse, nous a conservé sa somptueuse ordonnance.
C’est dans le grand salon carré du milieu, ou galerie, que se trou-
vaient, suivant Dulaure, les nouveaux dessus de porte de Fragonard
et c’est à la rémunération de ce travail que se rapportent deux autres
payements de 1,200 livres chaque, à la date de juin et de sep-
tembre 1771, mentionnés dans les comptes que Mme du Barry faisait
régler par le banquier de la cour, Beaujon, ou par son notaire, maître
Lepot d’Auteuil1. Fragonard s’y trouve en bonne compagnie, car on
avait fait appel aux meilleurs artistes et metteurs en œuvre du temps.
A Pajou, à Vassé, à Lemoine, à Allegrain on avait demandé les
sculptures; à Greuze, dont la Cruche cassée ornait un des lambris, à
Drouais, à Yernet les peintures; l’inimitable Gouthière fondait, dorait
et ciselait tous les cuivres, leur donnant une valeur d’orfèvrerie;
Lepaute fournissait les pendules, Roettiers les lustres, les bras et les
feux, et le tapissier Cozette couvrait pour elle les murailles de ses
magnifiques tentures. Enfin dans le troisième salon, celui de droite,
les panneaux furent remplis par quatre grands tableaux de Arien
représentant les Progrès de l’ctmour dans le cœur des jeunes filles. Cet
artiste exposa deux d’entre eux au Salon de 1773, hauts tous deux de
10 pieds sur 7 pieds environ de largeur. Ce sont ces toiles qui furent
préférées à celles de Fragonard, et le livret de 1773 dit expressément
qu’elles appartiennent à Mme la comtesse du Barry et qu’elles sont
destinées pour Lucienne.
Dans l’un, deux jeunes Grecques font serment de ne jamais aimer
et se jurent un éternel attachement sur l’autel de l’Amitié. L’Amour
sourit et favorise les vœux d’un jeune homme qui profite du sommeil
du Temps pour allumer son flambeau à l’autel même de l’Amitié. Que
ces sous-entendus alambiqués sont donc assez dix-huitième siècle!
1. Bordereaux des sommes payées pour compte de Mmc la comtesse du Barry.
Bibl. nat. Fonds français, 8157-8160.
GAZETTE DES BEAUX-AllTS.
La construction de cet élégant et célèbre édicule, destiné aux
collations du Roi, commença le 15 septembre 1770 sous la direction
de l’architecte Ledoux et fut terminée au début de l’année 1772.
Composé seulement d’un rez-de-chaussée orné d’un péristyle au
fronton duquel se déroulait une bacchanale due au ciseau du sculpteur
Lecomte, il ne s’y trouvait pas de chambres à coucher. On entrait
dans le vestibule décoré de groupes de femmes du même artiste et de
Pajou. Il ouvrait sur trois salons. Celui de gauche, de forme ovale, au
plafond peint par Briard, servait de salle à manger : Moreau le jeune,
dans l’aquarelle du Louvre représentant un souper offert à Louis XY
par sa maîtresse, nous a conservé sa somptueuse ordonnance.
C’est dans le grand salon carré du milieu, ou galerie, que se trou-
vaient, suivant Dulaure, les nouveaux dessus de porte de Fragonard
et c’est à la rémunération de ce travail que se rapportent deux autres
payements de 1,200 livres chaque, à la date de juin et de sep-
tembre 1771, mentionnés dans les comptes que Mme du Barry faisait
régler par le banquier de la cour, Beaujon, ou par son notaire, maître
Lepot d’Auteuil1. Fragonard s’y trouve en bonne compagnie, car on
avait fait appel aux meilleurs artistes et metteurs en œuvre du temps.
A Pajou, à Vassé, à Lemoine, à Allegrain on avait demandé les
sculptures; à Greuze, dont la Cruche cassée ornait un des lambris, à
Drouais, à Yernet les peintures; l’inimitable Gouthière fondait, dorait
et ciselait tous les cuivres, leur donnant une valeur d’orfèvrerie;
Lepaute fournissait les pendules, Roettiers les lustres, les bras et les
feux, et le tapissier Cozette couvrait pour elle les murailles de ses
magnifiques tentures. Enfin dans le troisième salon, celui de droite,
les panneaux furent remplis par quatre grands tableaux de Arien
représentant les Progrès de l’ctmour dans le cœur des jeunes filles. Cet
artiste exposa deux d’entre eux au Salon de 1773, hauts tous deux de
10 pieds sur 7 pieds environ de largeur. Ce sont ces toiles qui furent
préférées à celles de Fragonard, et le livret de 1773 dit expressément
qu’elles appartiennent à Mme la comtesse du Barry et qu’elles sont
destinées pour Lucienne.
Dans l’un, deux jeunes Grecques font serment de ne jamais aimer
et se jurent un éternel attachement sur l’autel de l’Amitié. L’Amour
sourit et favorise les vœux d’un jeune homme qui profite du sommeil
du Temps pour allumer son flambeau à l’autel même de l’Amitié. Que
ces sous-entendus alambiqués sont donc assez dix-huitième siècle!
1. Bordereaux des sommes payées pour compte de Mmc la comtesse du Barry.
Bibl. nat. Fonds français, 8157-8160.