LES PEINTURES DE FRAGONARD A GRASSE.
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L’autre panneau représentait les jeunes Grecques enguirlandant
l’Amour endormi.
La similitude des sujets avec ceux traités par Fragonard dans les
peintures décoratives actuellement à Grasse et qui ont toujours passé
pour avoir été exécutées pour Mme du Barry en vue de l’ornementa-
tion de Louveciennes, le nombre de ces tableaux (le cinquième
n’ayant été peint que plus tard) et leur dimension pareille 11e sont
pas le résultat d’une simple coïncidence. Quel est donc le motif qui
leur a fait préférer ceux de Vieil ? Ce ne doit pas être leur infériorité,
car ces belles toiles de l’invention la plus heureuse, d’une couleur
charmante et d’une harmonie délicate 11e peuvent avoir été jugées
indignes du cadre recherché que nous venons de décrire. Il faut
chercher ailleurs la raison de cette exclusion, la cause de ce caprice.
Un motif d’argent? Mais Mmc du Barry recevait une magnifique
pension du Roi, deux à trois cent mille livres par mois, et malgré
les prétentions légitimes de l’artiste, nous 11’admettons pas une
difficulté à ce sujet. Faut-il croire à la susceptibilité du peintre,
fort pointilleux, assez peu courtisan et qui aurait été blessé par
quelque procédé discourtois? Ou plutôt, par une hypothèse qui 11’a
rien d’invraisemblable, à une sorte de concours entre les deux
artistes, accepté par eux et dans lequel Fragonard, bien qu’il fût sur
son terrain des scènes galantes, se serait vu préférer l’œuvre de son
rival, alors dans tout l’éclat de son talent et l’apogée de la faveur?
Vieil 11’aurait-il pas aussi mieux saisi le goût du temps pour les sujets
inspirés de l’antique et n’était-il pas plus habile peut-être à flatter
les passions des hôtes du lieu et à comprendre la pensée intime de la
favorite, en peignant par le menu ces jeunes Grecques dans des
costumes plus que légers? Ce qui le laisserait supposer, c’est d’une
part la résignation de Fragonard, qui garda vingt ans ces toiles
dans son atelier, sans qu’aucune trace d’indemnité payée par
Mme du Barry s’y réfère dans ses comptes, et d’autre part les excla-
mations effarées d’un public pourtant peu pudibond à la vue des
tableaux de Vieil, destinés à ranimer dans ce boudoir voluptueux
les sens blasés du vieux roi. Bach au 111 ont se faisait l’écho de cette
impression en constatant que « les nudités accumulées semblent
annoncer la nécessité d’irriter les désirs d’un peuple sybarite ».
Ce qui amène à cette conclusion imprévue que la peinture de
Fragonard fut écartée comme trop décente !
Quoi qu’il en ait été de la commande peut-être conditionnelle
de Mme du Barry et des motifs qui ont empêché de les placer dans le
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L’autre panneau représentait les jeunes Grecques enguirlandant
l’Amour endormi.
La similitude des sujets avec ceux traités par Fragonard dans les
peintures décoratives actuellement à Grasse et qui ont toujours passé
pour avoir été exécutées pour Mme du Barry en vue de l’ornementa-
tion de Louveciennes, le nombre de ces tableaux (le cinquième
n’ayant été peint que plus tard) et leur dimension pareille 11e sont
pas le résultat d’une simple coïncidence. Quel est donc le motif qui
leur a fait préférer ceux de Vieil ? Ce ne doit pas être leur infériorité,
car ces belles toiles de l’invention la plus heureuse, d’une couleur
charmante et d’une harmonie délicate 11e peuvent avoir été jugées
indignes du cadre recherché que nous venons de décrire. Il faut
chercher ailleurs la raison de cette exclusion, la cause de ce caprice.
Un motif d’argent? Mais Mmc du Barry recevait une magnifique
pension du Roi, deux à trois cent mille livres par mois, et malgré
les prétentions légitimes de l’artiste, nous 11’admettons pas une
difficulté à ce sujet. Faut-il croire à la susceptibilité du peintre,
fort pointilleux, assez peu courtisan et qui aurait été blessé par
quelque procédé discourtois? Ou plutôt, par une hypothèse qui 11’a
rien d’invraisemblable, à une sorte de concours entre les deux
artistes, accepté par eux et dans lequel Fragonard, bien qu’il fût sur
son terrain des scènes galantes, se serait vu préférer l’œuvre de son
rival, alors dans tout l’éclat de son talent et l’apogée de la faveur?
Vieil 11’aurait-il pas aussi mieux saisi le goût du temps pour les sujets
inspirés de l’antique et n’était-il pas plus habile peut-être à flatter
les passions des hôtes du lieu et à comprendre la pensée intime de la
favorite, en peignant par le menu ces jeunes Grecques dans des
costumes plus que légers? Ce qui le laisserait supposer, c’est d’une
part la résignation de Fragonard, qui garda vingt ans ces toiles
dans son atelier, sans qu’aucune trace d’indemnité payée par
Mme du Barry s’y réfère dans ses comptes, et d’autre part les excla-
mations effarées d’un public pourtant peu pudibond à la vue des
tableaux de Vieil, destinés à ranimer dans ce boudoir voluptueux
les sens blasés du vieux roi. Bach au 111 ont se faisait l’écho de cette
impression en constatant que « les nudités accumulées semblent
annoncer la nécessité d’irriter les désirs d’un peuple sybarite ».
Ce qui amène à cette conclusion imprévue que la peinture de
Fragonard fut écartée comme trop décente !
Quoi qu’il en ait été de la commande peut-être conditionnelle
de Mme du Barry et des motifs qui ont empêché de les placer dans le