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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 32.1885

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Nr. 6
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Gonse, Louis: L' œuvre de Rembrandt, 2: [Rezension]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24593#0532

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510

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

de l’œuvre immense qu’on lui attribue, ce qui suffirait déjà à rem-
plir la vie bien occupée d'un graveur de profession.

Rembrandt a pu produire de mauvaises, voire de très mauvaises
choses — quelques-uns de ses tableaux sont là pour nous en four-
nir la preuve. Il en a fait de triviales, de violentes, jamais de
bourgeoisement vulgaires, ni de platement insignifiantes, comme le
sont la plupart des planches que l’on écarte. La personnalité de son
style et l’incomparable virtuosité de sa main se reconnaissent toujours
à travers les défaillances inévitables, les abandons momentanés, le
laisser-aller de sa pensée bouillonnante et de son improvisation. Rem-
brandt est Rembrandt, il n’est jamais ni Yan Yliet, ni Lievens, ni Fer-
dinand Bol, artistes adroits, mais sans flamme, sans audace, sans origi-
nalité. Qu’on prenne, à diverses époques, telles pièces que l’on voudra,
de celles que nul ne songe à contester, comme les planches dont nous
avons donné ici des reproductions, comme la Faiseuse de koucks de 1635,
comme le Rembrandt appuyé de 1639, comme le Moulin de 1641, le
Cochon et le Paysage aux trois arbres de 1643, le Rembrandt dessinant,
les Mendiants à la porte d’une maison, la Synagogue de 1648, Médée et
Jason, la Pièce aux cent florins, le Saint Jérôme, la Campagne du peseur
d’or, le Faustus de 1651, comme les Trois croix de 1653, le Jésus présenté
au peuple de 1655 et le Lulrna de 1656 ; qu’on les compare aux meil-
leures d’entre les planches rejetées , au Bon Samaritain et aux
Trois têtes orientales, par exemple, et on sera saisi par l’abîme qui
sépare l’œuvre géniale de l’œuvre de facture.

Je ne puis m’empêcher, en terminant ce trop court aperçu, de
souhaiter qu’une exposition dans le genre de celle du Burlington soit
enfin organisée à Paris par quelque homme de goût : et pourquoi pas
par M. Dutuit lui-même, dont la verte vieillesse est si active, si produc-
trice? Sa collection renferme tous les éléments d’une admirable expo-
sition ; qu’il en prenne l’initiative, la Gazette se fera un honneur de
le soutenir de son concours le plus dévoué. Malgré les peintures mira-
culeuses que possède le Louvre, malgré l’œuvre incomparable du
Cabinet des estampes, le public français a encore beaucoup à apprendre
sur le génie du plus grand artiste des Écoles septentrionales.

LOUIS GONSE.
 
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