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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 36.1887

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Michel, André: J.-F. Millet et l'exposition de ses œuvres à l'École des Beaux-Arts
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https://doi.org/10.11588/diglit.24190#0013

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J.-F. MILLET.

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vérité l’administration ne s’en préoccupe pas assez ou les entend bien
mal. — Cela dit, et il est bon de le répéter souvent, revenons à cette
exposition incomplète, mais suffisante pour se former une juste idée
de l’homme et de l’artiste.

I.

On y est à peine entré qu’on se sent en présence de quelqu'un.
Jamais les liens vivants qui unissent l’œuvre à l’homme et le talent
à l’àme, comme la chair à la peau, ne se sont révélés avec une plus
intime évidence. Avant qu’on ait pensé à s’informer de ses moyens, à
analyser ses procédés préférés, à suivre l’allure habituelle de sa
main, on est déjà pénétré de sa pensée, conduit comme par l’entretien
d’une parole grave, un peu lente, tranquille et émue, pleine de
certitude, de tendresse et d’autorité. « Malheur, disait-il un jour,
à l’artiste qui montre son talent avant son œuvre. Il serait bien
plaisant que le poignet marchât le premier. » Et chacune de ses
œuvres révèle bien en effet l’accord constant de sa pensée toujours
virile, de sa volonté toujours présente, de son émotion toujours
sincère. Avec de pareils documents, on pourrait écrire, sans crainte
de se tromper, la biographie morale d’un homme. Mais nous avons
en outre cet ensemble unique de renseignements directs, de témoi-
gnages et de confidences pieusement recueillis par le fidèle Sensier
et publiés par notre confrère M. Paul Mantz dans un beau volume
édité chez Quantin 1. — Sans entrer dans les détails déjà connus,
ni recommencer une biographie écrite ici même, en 1875, nous
voudrions marquer en quelques traits les origines morales de cet
homme, ce qui a déterminé l’œuvre qui nous occupe.

Millet est Normand, comme Corneille et Poussin. Il naquit dans
un village, près de la mer, en pleins champs. Son enfance et son
adolescence s’y passèrent en face des grands horizons, tout près de
la nature, dans un milieu familial très humble, très simple et très
pur, où la vie morale parait avoir été singulièrement intense. Une
grand’mère chrétienne austère et fervente, de grand caractère et
d’ardente piété, sorte de Mère Angélique campagnarde, —-un grand-
oncle, Charles Millet, prêtre du diocèse d’Avranches, sans cure depuis
la Révolution, qui consacrait sa vie à l’instruction des enfants du

1. La Vie et l’Œuvre de Jean-François Millet, par Alfred Sensier, manuscrit publié
par M. Paul Mantz. Paris, Quantin, 1881, in-4°.
 
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