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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 36.1887

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Michel, André: J.-F. Millet et l'exposition de ses œuvres à l'École des Beaux-Arts
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https://doi.org/10.11588/diglit.24190#0031

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J.-F. MILLET.

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souvent avec son voisin Rousseau, après'la journée de travail. Sa
palette est d'une extrême simplicité; il n’emploie que les terres
les plus ordinaires. Il 11e raffine jamais ; il résume et condense; mais
comme il va tout droit à l’essentiel, ce qu’il dit est définitif.

On rencontre à tout moment chez lui, dans Ja notation des acces-
soires, une absence à!art, une naïveté et même une gaucherie de
main, délicieuse et reposante (nous sommes si fatigués des habiles et
des savants qui font la leçon à la nature); mais si l’on examine la
construction de ses terrains, le modelé de ses paysages, la sûreté cle
ses perspectives aériennes, l’établissement et la fuite de ses plans,
les rapports et les dépendances de toutes les choses entre elles, on ne
le prend jamais en faute et l’on reconnaît que nul œil ne fut jamais
plus familier aux différentes manières d’être de la nature.

C’est parce qu’il l’a beaucoup regardée — avec une tendresse tou-
jours profonde et une émotion toujours nouvelle — que sa mémoire
et son œil sont pleins d’informations si sûres, toujours si présentes,
et de mesures si précises — car c’est avec des mesures précises et des
dégradations de tons exactement dosées, qu’on peut faire sentir
la profondeur des ciels et l’infini des vagues horizons. Mais l’arpen-
teur et le géographe se dérobent chez Millet; ils 11e gênent jamais le
poète; et devant ses merveilleux paysages si profonds, d’une con-
struction si solide, dont la charpente maîtresse, même dissimulée,
vient s'appuyer si fortement aux coins du cadre pour conduire l’œil
et la rêverie jusqu’aux plus lointains horizons, le cri d’admiration
qui monte au lèvres ce n’estpas : « que d’étude ! » mais toujours : « que
de contemplation ! »

Il a peint toujours juste et le sentiment si sûr des valeurs, qu’on
n’a pas assez loué chez lui, est un des secrets de ses chefs-d’œuvre
que le temps a déjà revêtus d’une belle patine émaillée, Y Angélus et
la délicieuse Gardeuse d'oies, si claire, si imprévue, si enlevée, les
Glaneuses et la Gardeuse de moutons, le paysage superbe de Y Homme à
la houe et la Plaine, Y Hiver et Novembre, le Méridien et la Chute des
feuilles, le Berger au parc la nuit et Y Homme à la veste sont, considérés
à ce point de vue, inépuisables en enseignements. Mais ici, il faudrait
pour entrer dans une analyse détaillée plus de place que nous n’en
avons. C’est un livre qu’on écrirait si l’on voulait tout dire.

Il faut ajouter, cependant, que le pinceau dans sa main a quelquefois
des lourdeurs, une allure empêtrée — en somme très rustique et de
saveur bien paysanne. — Ses pastels pourtant sont supérieurs à ses
peintures, qui pourraient en effet donner lieu à quelques critiques.
 
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