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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 36.1887

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Nr. 1
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Hamel, Maurice: Salon de 1887, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24190#0056

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GAZETTE DES BEAUX-AliTS.

sentiments passionnés, héroïques et douloureux. Pour elle surtout le
mouvement et le style sont les deux frères ennemis qu’il faut récon-
cilier et de telle sorte que le style n’émousse pas la vie, que la vie ne
déborde pas le style. Et c’est pourquoi la discipline des maîtres précis
lui fut particulièrement salutaire pour resserrer ce qui se déployait
avec trop d’emphase. Je sais bien que l’expression dramatique exige
une tenue moins correcte, un élan plus chaleureux, que la plastique,
mise au service de la passion, peut avoir sa grande éloquence emportée,
sa flamme et son coup d’aile. Encore faut-il que cette émotion soit
ordonnée, que la règle et la mesure se fassent sentir au plus fort de
l’enthousiasme.

D’ensemble et vu de face, le groupe de M. Boucher, Vaincre ou
mourir, est puissamment conçu. La femme qui s’élance en criant au-
devant de l’ennemi, le jeune homme frappé au cœur, fléchissant sur
les genoux et laissant échapper son arme, l’adolescent qui la saisit,
tous sont jetés dans un mouvement pathétique. Mais le forgeron
banal si étrangement logé dans les plis turbulents de la draperie n’est
qu’un morceau d’école, un maladroit remplissage. L’œuvre n’a de
raison d’être que comme un plein relief destiné à parler de haut et de
loin, et dans cette acception, ajoute-t-elle beaucoup à la Marseillaise
de Rude?

L’arrangement original des figures, la souplesse d’un modelé qui
exprime la qualité et le grain de la chair, sa décrépitude ou sa jeu-
nesse florissante, surtout un grand charme pittoresque nous font
oublier ce qu’il y a d’un peu théâtral aussi dans le groupe de M. Cor-
donnier, Protection. La nature est bien finement sentie dans le corps
de la femme et sur ses traits respire la tendresse et la confiance de
l’être faible.

Incomplètes, ces œuvres révèlent une volonté très personnelle.
Mais l’ennui des formes apprises, d’un modelé ronflant et banal,
l’exagération des musculatures inexorablement bombées, l’insigni-
fiance des expressions truculentes s’étalent sans compensation dans
les groupes de MM. Desca et Boisseau. Un certain type de Gaulois
moustachu et chevelu que l’on tolérait dans les illustrations popu-
laires, a malheureusement fait fortune en sculpture : il rappelle la
tragédie mérovingienne que l’on 11e commet plus au collège. Il 11e
faudrait pourtant rien moins que l’évocation d’un grand artiste pour
ressusciter les demi-sauvages qui furent nos ancêtres. Déshabiller des
athlètes de foire et les affubler de casques cornus, c’est faire du celtique
à trop bon marché. Un effort d’imagination serait aussi nécessaire
 
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