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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 36.1887

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Nr. 2
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Chennevières, Henry de: Les Ruggieri, artificiers: 1730-1885
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https://doi.org/10.11588/diglit.24190#0153

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LES RUGGIERI, ARTIFICIERS.

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véritables tout composés, des tableaux crépitants, avec le noir du
ciel pour fond et toutes les variétés d’êtres mythologiques pour
premiers sites. Il y eut surtout une famille d’habiles gens où la
pyrotechnie d’art fut poussée au point de perfection le plus merveilleux
et cultivée sans relâche pendant un siècle et demi avec un feu sacré
traditionnel. De la race entière des Ruggieri il serait même impossible
de montrer un seul cadet s’étant soustrait à son devoir de famille,
car chacun se sentait retenu d’honneur au pilon paternel. Ils se
transmettaient, du reste, un nom difficile à porter en lieu plat et si
bien à sa place en l’air! Ce nom-là était un peu comme la devise de
Philippe Strozzi, cet autre curieux « de feux artificiels », Micat inter
ignés : il brillait, mais à la condition de partir en fusées. Depuis le
feu grégeois et les ingéniosités diaboliques du médecin Mesue et de
Hassan-al-Nanrah, artificier du calife Aroun-al-Raschild, les recettes
pyrotechniques avaient couru l'Europe, Rome, Venise, Florence,
Paris et le Fontainebleau des Valois, sans laisser de traînées écla-
tantes. Du moins, aux récits et aux gravures de cette enfance de
l’artifice ne voit-on rien de trop prometteur pour l’avenir. C’est
seulement le milieu du xvne siècle, la date décisive en Italie et en
France. Encore, en France, est-ce par importation italienne, car sans
l’arrivée de Vigarany à Versailles, les Testard, les Guérin, Ferry,
les Caresme, les Lefebvre, Villet et même Liégeois n’auraient pas
suffi à se sortir tout seuls des routines où Morel, le commissaire de
l’artillerie de l’Arsenal, les retenait dans des imaginations un peu trop
guerrières. Sociétaire et décorateur-machiniste de l’Opéra de Lully,
Vigarany, « gentilhomme modénois fort sçavant en toutes choses de
mécanique », était venu vers 1660 à l’appel de Colbert. Par le duc de
Saint-Aignan, premier gentilhomme de la chambre du roi, « seigneur
d’un talent admirable pour les testes », au dire des gazettes, Vigarany
eut en cour toutes espèces de distinctions. Appuyé d’un autre intro-
ducteur, le marquis de Sourdéac, ce spirituel Normand, second associé
de Lully « en fait de décors », le maître italien sut mettre à profi
pour la beauté de l’art des artifices le goût de dépenses du roi et la
faveur de ce moment où l’air était aux fêtes. Jamais occasion plus
désirable ne pouvait s’offrir en effet, car le parc de Versailles allait
être vingt années durant le vrai jardin des plaisirs de l’Ile Enchantée.
Aussi voit-on Vigarany se répandre partout en jets de feu, sur le
Tapis-Vert, dans tous les bosquets, sur le canal et les étangs, comme
l’enchanteur obligé des longs soirs de divertissements. Il y a même
aux Archives nationales (O1 2984) une liasse de feuilles de comptes
 
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