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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 36.1887

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Nr. 3
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Rod, Édouard: Les préraphaélites anglais, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24190#0212

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186

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

perfectionnant quelque magnifique invention, dans le but seulement
d’accélérer le pouls de l’homme ! Quoi ! peut-il, comme un jésuite,
vivre dans la maison de son âme seulement pour découvrir ou saper
ses fondements ! Comme Satan, doit-il rendre son ange de lumière
au démon des ténèbres et employer contre Dieu la puissance que
Dieu lui a donnée, faisant qu’Astarté et Moloch poussent ensemble
des millions d’innocentes vies dans les étreintes du péché ? Et quant
à vous, Kosmon, je juge l’intention comme je juge l’âme : l’une n’est
pas plus la lumière de la pensée que l’autre n’est la lumière du corps ;
et toutes deux, l’âme et l’intention, sont nécessaires pour une intel-
ligence complète ; et l’intelligence du monde intellectuel — dont les
beaux-arts sont les membres principaux — ne peut pas être davan-
tage attendue que demandée. Je crois que la plupart des peintures
dont vous parlez sont plutôt des peintures d’histoire naturelle de la
partie animale de l’homme. Les Hollandais, certainement..., pour
leurs couleurs et leurs subtilités d’exécution, ne seraient tolérés par
aucun homme de goût. »

A ce moment déjà, les différences de tempérament qui devaient
éclater dans la suite se faisaient jour dans les conversations des
Préraphaélites. Millais, esprit plus positif que les autres, ne paraît
pas avoir joué un rôle important dans ces discussions sur l’art où
intervenaient aussi des amis du dehors, comme M. Orchard. Mais les
diverses tendances qui se trouvaient en germes dans la « confrérie »
et que nous avons vues à l’œuvre dans le Dialogue sur l’art, se trou-
vaient assez bien incarnées en Rossetti et HolmanHunt. Ce dernier,
esprit réfléchi, sérieux, qui aimait à faire le tour des questions, tra-
vaillait à compléter son instruction première en lisant de nombreux
ouvrages d’histoire et même de science. Rosetti ne s’intéressait guère
à l’histoire que parce qu’elle touche à la poésie, et dédaignait la
science : « Que m’importe, disait-il, si c’est la terre qui tourne autour
du soleil ou le soleil autour de la terre ! » tandis qu’à son ami les
études d’astronomie, de géologie et même de mathématiques semblaient
« remplies de suggestions poétiques ». Holman Hunt, profondément
anglais, protestant, religieux, cherchait inconsciemment à combiner
ses enthousiasmes artistiques et ses autres aspirations; Rossetti,
presque Italien, catholique (d’esprit sinon de foi), était le vrai poète,
le pur artiste —je dirais le Kalon de tout à l’heure si, d’un bout à
l’autre de sa double carrière, il n’avait montré une préoccupation
continuelle de la vie intérieure incompatible avec l’idée que nous
nous faisons de l’homme épris avant tout des formes et de la beauté.
 
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