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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 36.1887

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Nr. 4
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Renan, Ary: Torcello, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24190#0331

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T 0 RG EL LO.

295

ornements qui servent d’encadrement se ressentent déjà d’une
influence byzantine.

C’est un bizarre et charmant monument que ce petit temple de
Santa-Fosca, qui a l’air posé sur le gazon à côté de la grosse masse
du Dôme. Nous ne connaissons pas la date de sa construction; nous
savons seulement qu’il était presque détruit et fut restauré en 1306,
et le plus sage est de le faire remonter au xi° siècle seulement
malgré ceux qui voudraient le reculer jusqu’au ixe. Le plan est celui
d’une croix grecque dont un bras serait allongé légèrement et du
dehors on dirait presque un carré dont on aurait abattu les angles.
Un humble portique épouse sur trois côtés cette forme octogonale,
supporté par d’antiques colonnes. Un méchant toit de tuiles a remplacé
la coupole et couvre le tambour d’un chapeau conique comme au
Tempietto di Vesla de Rome. La curieuse abside, à pans coupés, est
d’un style bâtard et d’une ornementation peu commune; les douze
colonnes qui portaient la coupole semblent être contemporaines de
celles du Dôme et durent être apportées, comme ces dernières, du con-
tinent au vu0 siècle. En tout cas, l’intérieur est d’un style fort pur et
pourrait être choisi comme type d’église ronde; Cicognara prétend
que Sansovino s’en inspira. Là est enterré, avec une épitaphe pom-
peuse (Bernardus Strozzius, pictorum splendor, Liguriæ decus), le Capu-
cino, ce moine peintre qui, évadé de son couvent, trouva un refuge à
Venise, et dont la vie romanesque aurait tenté la plume de Stendahl.

Voilà tout ce qui subsiste de l’antique T’orcello. Des églises de
Sanl' Andrea, de San-Giovanni, de Sauf Antonio, de San-Tommaso dei
Borgognoni, il ne reste plus que des pierrailles éparses, bien que leur
démolition soit d’une date peu reculée : la dernière ne disparut
qu’en 1810! Les trésors du Dôme ont été dispersés. Une Pala d’oro
analogue à celle de Saint-Marc et datant du xe siècle a tenté la
cupidité des écumeurs delà lagune; à peine en retrouve-t-on quelques
fragments. Seuls, les os des martyrs, apportés du continent, les
reliques de sainte Fosca et des saints Thabra et Thabrata restent
sous les dalles verdies. Seule, la grande mosaïque raconte la splen-
deur de jadis; mais cette grande page étincelante ne sert plus
d’enseignement aux fidèles; les figures de cette divine comédie
regardent avec des yeux terribles dans le vide de la nef du Dôme;
personne ne connaît plus leurs noms. Torcello est un cimetière, un
cimetière humide, fleuri d’iris et de menthe.

ARY RENAN.

(La suite prochainement.)
 
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