LA VICTOIRE DE SAMOTIIRÀCE.
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rappelant que Scopas avait travaillé à Samothrace, pensait à quelque
disciple de ce grand artiste cette opinion d’une des plus hautes
autorités en matière de sculpture grecque a toujours été partagée par
Ray et. En 1879, M. Cavvadias, qui s’est acquis depuis tant de renommée
par ses fouilles à Epidaure et sur l’Acropole d’Athènes, proposa une
autre conjecture : il inclinait à voir dans la Victoire l’œuvre du sculp-
teur Eutychidès de Sicyone, élève de Lysippe, dont nous connaissons,
par plusieurs répliques, une grande figure allégorique, représentant
la ville d’Antioche assise, un pied appuyé sur le fleuve Oronte2. A quoi
Rayet objectait, non sans raison, l’immense supériorité de la Victoire
sur nos copies du groupe d’Eutychidès. Nous verrons plus loin que
M. Murray a depuis rapproché la Victoire des hauts-reliefs du grand
autel de Pergame.
C’est au cours de la même année 1879 que M. Champoiseau réalisa,
avec le concours de l’aviso le Latouche-Trêville, commandant Penaud,
ce qui, depuis plusieurs années, était son vœu le plus cher : il alla
chercher à Samothrace et rapporta au Louvre les blocs énormes en
marbre de Thasos qui composaient le piédestal de la statue3.
J'ai passé plusieurs semaines à bord du Latouche-Trêville peu de
temps après son heureuse expédition; j’en ai entendu le récit de
la bouche des officiers qui avaient dirigé l’embarquement de ces
masses formidables, vingt-six blocs pesant en-moyenne 1,400 kilo-
grammes, — et je ne regarde jamais la Victoire, si hère de son piédestal
reconquis, sans songer avec reconnaissance aux braves gens à qui
nous les devons ! Il manque deux noms sur le cartel de la Victoire au
Louvre : celui de VAjaccio qui l’a embarquée et celui du Latouche qui
lui a rendu son piédestal.
L’installation de cette base monumentale, au sommet de l’escalier
d’honneur où on la voit aujourd’hui, n’a pas été l’œuvre d’un jour.
L’architecte du Louvre, M. Guillaume, commença par consolider
les voûtes qui devaient porter une charge de marbre si écrasante;
puis, sous la direction de MM. Ravaisson et Héron de Villefosse, on
travailla avec ardeur à la besogne difficile qui consistait à remettre
en place le. plus de fragments possible, en s’abstenant de toute
restauration hypothétique. Une des ailes, celle de gauche, put être en
grande partie reconstituée; celle de droite fut moulée en plâtre sur
la première. L’épaule droite et quelques morceaux de la draperie ont
1. Newton, Essays on art and archæology, p. 90.
2. Cavvadias, Bullettino dell’ Instituto, 1879, p. 4.
3. Revue archéol., 1880, t. I, p. 13.
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rappelant que Scopas avait travaillé à Samothrace, pensait à quelque
disciple de ce grand artiste cette opinion d’une des plus hautes
autorités en matière de sculpture grecque a toujours été partagée par
Ray et. En 1879, M. Cavvadias, qui s’est acquis depuis tant de renommée
par ses fouilles à Epidaure et sur l’Acropole d’Athènes, proposa une
autre conjecture : il inclinait à voir dans la Victoire l’œuvre du sculp-
teur Eutychidès de Sicyone, élève de Lysippe, dont nous connaissons,
par plusieurs répliques, une grande figure allégorique, représentant
la ville d’Antioche assise, un pied appuyé sur le fleuve Oronte2. A quoi
Rayet objectait, non sans raison, l’immense supériorité de la Victoire
sur nos copies du groupe d’Eutychidès. Nous verrons plus loin que
M. Murray a depuis rapproché la Victoire des hauts-reliefs du grand
autel de Pergame.
C’est au cours de la même année 1879 que M. Champoiseau réalisa,
avec le concours de l’aviso le Latouche-Trêville, commandant Penaud,
ce qui, depuis plusieurs années, était son vœu le plus cher : il alla
chercher à Samothrace et rapporta au Louvre les blocs énormes en
marbre de Thasos qui composaient le piédestal de la statue3.
J'ai passé plusieurs semaines à bord du Latouche-Trêville peu de
temps après son heureuse expédition; j’en ai entendu le récit de
la bouche des officiers qui avaient dirigé l’embarquement de ces
masses formidables, vingt-six blocs pesant en-moyenne 1,400 kilo-
grammes, — et je ne regarde jamais la Victoire, si hère de son piédestal
reconquis, sans songer avec reconnaissance aux braves gens à qui
nous les devons ! Il manque deux noms sur le cartel de la Victoire au
Louvre : celui de VAjaccio qui l’a embarquée et celui du Latouche qui
lui a rendu son piédestal.
L’installation de cette base monumentale, au sommet de l’escalier
d’honneur où on la voit aujourd’hui, n’a pas été l’œuvre d’un jour.
L’architecte du Louvre, M. Guillaume, commença par consolider
les voûtes qui devaient porter une charge de marbre si écrasante;
puis, sous la direction de MM. Ravaisson et Héron de Villefosse, on
travailla avec ardeur à la besogne difficile qui consistait à remettre
en place le. plus de fragments possible, en s’abstenant de toute
restauration hypothétique. Une des ailes, celle de gauche, put être en
grande partie reconstituée; celle de droite fut moulée en plâtre sur
la première. L’épaule droite et quelques morceaux de la draperie ont
1. Newton, Essays on art and archæology, p. 90.
2. Cavvadias, Bullettino dell’ Instituto, 1879, p. 4.
3. Revue archéol., 1880, t. I, p. 13.