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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 2
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Fourcaud, Louis de: François Rude, 12
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0122

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FRANÇOIS RUDE.

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cette pièce est dè quatre ans postérieure à la décision du Gouverne-
ment provisoire et pas un document plus ancien n’attache au projet
le nom de Rude. Je suis disposé à croire que la tradition a raison,
mais rien ne m’en est garant. A-t-on, davantage, précisé le caractère
de la composition? On assure que le principe d’une statue du
maréchal à l’instant de sa mort a été adopté. Adopté, par qui? —
Grand mystère. Pour moi, je demeure persuadé qu’on n’a pas eu le
temps, en 1848, de pousser les choses si loin. L’argent a manqué, les
besoins se sont accrus, les crises se sont succédé. On a remis à des
jours meilleurs l’élaboration du programme et la réalisation du
dessein. Une seule personne, peut-être, s’obstine à en rêver—et c’est
le statuaire.

Le logis qu’il habite, rue d’Enfer, est tout contre l’avenue de
l’Observatoire, à deux pas de la place exacte où tomba le condamné.
Sa songerie le ramène souvent vers l’endroit tragique; jamais il n’y
passe sans se souvenir et, chaque fois qu’il se peut mettre, dans la
conversation, sur l’horrible fin de Michel Ney, il est intarissable. Les
moindres détails lui en sont si bien connus par les récits de Dupin !
Son ami Etienne Arago l’a, de plus, abouché avec le concierge de
l’Observatoire, un des rares témoins de l’exécution et qui a aidé à
porter le cadavre à l’Hospice de la Maternité. Il sait jusqu’aux
minuties douloureuses de l’épilogue ; il se passionne à évoquer l’ombre
ensanglantée du vaillant homme. « S’il avait voulu être sauvé, dit-il,
un moyen s’offrait à lui : Sarrelouis, sa ville d’origine, venait d’être
détachée de notre sol. Mais non ! 11 entendait rester Français, fût-ce
pour mourir. Quand les fusils s’abaissaient déjà pour le foudroyer, il
cria : Vive la France! C’est un trait sublime — d’un sublime sans
précédent... » A ses élèves, le maître raconte volontiers, et toujours
avec émotion, la matinée suprême du pauvre grand bonhomme : « Nejr,
cette nuit-là, avait dormi tout habillé comme, à la veille d’une bataille.
A cinq heures, il était debout. On introduisait la maréchale avec ses
quatre enfants et sa sœur, et les deux femmes poussaient des cris
déchirants pendant quele maréchal, parfaitement calme en apparence,
prenait les quatre enfants sur ses genoux, à tour de rôle, et leur
donnait des conseils. Huit heures du matin : Allons! C’est fini. 11
faut mourir... Le Brave des braves porte sa grosse redingote de drap,
une culotte noire, des bas de soie ; il se coiffe de son chapeau de feutre,
tout tranquillement, comme s’il allait se promener, et s’avance de son
pas ordinaire, oh ! sans aucun trouble, entre deux lignes de soldats
qui ont honte... Une voiture de place l’attend là-bas, dans le jardin
 
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