THOMAS LAWRENCE.
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peintures ont été achevées par ses élèves, et il en est résulté un dis-
crédit général sur l’ensemble de son œuvre.
J’ai toujours pensé que le véritable service à rendre à la mémoire
de Rubens serait de dresser la liste de ceux de ses tableaux qui sont
entièrement de sa main, et où il s’est dûment appliqué : on verrait
alors se dégager un homme extraordinaire, à coup sûr le plus grand
de tous les peintres, car aucun n’a eu plus de variété, ni plus d’émo-
tion, ni un sentiment plus profond de la beauté, ni plus de finesse, de
pénétration et de véritable élégance. Et je crois aussi qu’il serait inté-
ressant d’éliminer de l’œuvre de Lawrence tous les portraits où il n’a
songé qu’à faire vite, et à fixer simplement la ressemblance de ses
modèles. Il resterait encore, ce travail fini, assez d’œuvres d’un art
très personnel, d’une vigueur et d’une harmonie admirables, pour
montrer que la mode, en l’élisant jadis comme son favori, n’avait
pas fait un si mauvais choix : ou plutôt encore que les qualités qui
avaient valu à Lawrence les faveurs de la mode n’étaient pas, à beau-
coup près, les seules ni les plus précieuses de ses qualités. Mais c’est
là un travail que l’on ne saurait faire sans esquisser auparavant la
biographie du peintre. L’étude des principaux événements de sa vie
est une préparation indispensable à l’intelligence de son œuvre. Cette
étude, d’ailleurs, nous sera rendue facile par d’excellents travaux
historiques, au premier rang desquels doivent être cités les ouvrages
d’Allan Cunningham et de lord Ronald Gower, et que vient com-
pléter sur plusieurs points essentiels la correspondance, presque
entièrement publiée, du maître.
II
ENFANCE ET JEUNESSE.
Thomas Lawrence est né le 4 mai 1769 à Bristol. Son père tenait
dans cette ville une petite auberge, à.l’enseigne du Lévrier blanc; mais
ce n’était pas un aubergiste ordinaire. Fils d’un pasteur, il avait été
lui-même d’abord avocat, et c’est seulement peu de temps avant la
naissance de son fils qu’il avait troqué son premier métier contre la
profession moins distinguée mais plus lucrative de maître-tavernier.
Encore cette profession même ne parait-elle pas avoir été bien lucra-
tive pour un homme d’humeur si mobile : car Tommy avait à peine
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peintures ont été achevées par ses élèves, et il en est résulté un dis-
crédit général sur l’ensemble de son œuvre.
J’ai toujours pensé que le véritable service à rendre à la mémoire
de Rubens serait de dresser la liste de ceux de ses tableaux qui sont
entièrement de sa main, et où il s’est dûment appliqué : on verrait
alors se dégager un homme extraordinaire, à coup sûr le plus grand
de tous les peintres, car aucun n’a eu plus de variété, ni plus d’émo-
tion, ni un sentiment plus profond de la beauté, ni plus de finesse, de
pénétration et de véritable élégance. Et je crois aussi qu’il serait inté-
ressant d’éliminer de l’œuvre de Lawrence tous les portraits où il n’a
songé qu’à faire vite, et à fixer simplement la ressemblance de ses
modèles. Il resterait encore, ce travail fini, assez d’œuvres d’un art
très personnel, d’une vigueur et d’une harmonie admirables, pour
montrer que la mode, en l’élisant jadis comme son favori, n’avait
pas fait un si mauvais choix : ou plutôt encore que les qualités qui
avaient valu à Lawrence les faveurs de la mode n’étaient pas, à beau-
coup près, les seules ni les plus précieuses de ses qualités. Mais c’est
là un travail que l’on ne saurait faire sans esquisser auparavant la
biographie du peintre. L’étude des principaux événements de sa vie
est une préparation indispensable à l’intelligence de son œuvre. Cette
étude, d’ailleurs, nous sera rendue facile par d’excellents travaux
historiques, au premier rang desquels doivent être cités les ouvrages
d’Allan Cunningham et de lord Ronald Gower, et que vient com-
pléter sur plusieurs points essentiels la correspondance, presque
entièrement publiée, du maître.
II
ENFANCE ET JEUNESSE.
Thomas Lawrence est né le 4 mai 1769 à Bristol. Son père tenait
dans cette ville une petite auberge, à.l’enseigne du Lévrier blanc; mais
ce n’était pas un aubergiste ordinaire. Fils d’un pasteur, il avait été
lui-même d’abord avocat, et c’est seulement peu de temps avant la
naissance de son fils qu’il avait troqué son premier métier contre la
profession moins distinguée mais plus lucrative de maître-tavernier.
Encore cette profession même ne parait-elle pas avoir été bien lucra-
tive pour un homme d’humeur si mobile : car Tommy avait à peine