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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

DOI issue:
Nr. 5
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Durrieu, Paul: Alexandre Bening et les peintres du bréviaire Grimani, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0399

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ALEXANDRE BENING

367

satirique accentué. Ainsi, sur une des pages du tome II, on voit un
homme conduisant par la bride un âne chargé de deux paniers qui
contiennent d’autres hommes de plus petites proportions. Le con-
ducteur de l’âne s’avance vers une matrone assise, à la mine et au
sourire équivoques, laquelle lui présente deux jeunes filles sur une
sorte d’éventaire analogue à celui d’une marchande de fruits. Des
inscriptions peintes sur des banderoles indiquent les paroles que
sont censé prononcer les divers personnages. «Nous voulions amour »,
s’écrient les petits bonshommes portés dans les paniers de l’âne, en
désignant de leur main droite les deux jeunes filles, tandis que de
l’autre main ils agitent une bourse. « Combien vault», dit le conduc-
teur de l’âne à la matrone. « Deus à bon marché », répond celle-ci.
Ailleurs, c’est une grosse femme aux appâts vulgaires, digne
ancêtre de certaines commères de Steen et de Brouwer, qui se laisse
courtiser de très près par trois godelureaux. Ceux-ci sont vêtus et
attifés à la dernière mode; mais si vous regardez leurs visages, vous
reconnaîtrez que ces galants ne sont en réalité que d’affreux singes.
Tout en raillant ainsi le vice, notre miniaturiste ne devait pas
cependant se poser lui-mème en moraliste bien austère. Un médaillon,
placé au bas d’une des bordures, montre un buste d’homme embras-
sant une femme; et dans cette tète d’amoureux occupé à si doux
passe-temps, il est très probable que l’auteur nous a laissé l’image
de ses propres traits '.

1. Sur le pourtour de ce médaillon qui simule un cadre de métal gravé, on lit à
la suite de la devise : « Belle amie, prendez en gré », les deux lettres capitales A
et M. D’après les exemples fournis par d’autres manuscrits, on est tout à fait
admis à supposer que ces deux lettres sont les initiales des prénoms des deux
personnages portraiturés, le prénom de l’homme étant le premier. Ces lettres ne
peuvent évidemment concerner le personnage pour qui le manuscrit a été peint,
puisque celui-ci s’appelait Philippe, et sa femme Jeanne de Borssele. Reste donc
l’hypothèse d’une application à l’auteur de la peinture. Or celle-ci est très vraisem-
blable, car nous verrons plus loin que l’initiale A est parfaitement celle qui convien-
drait pour désigner le miniaturiste par la première lettre de son nom de baptême.
Quant à sa « belle amie », résignons-nous, après quatre siècles écoulés, à ne pas
chercher à percer le discret mystère qui entoure son initiale M.

PAUL DURRIEU.

(La suile prochainement.)
 
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