EXPOSITIONS DIVERSES A PARIS.
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mode, parce qu’il est une des formes les plus charmantes de l’art
de peindre, une des plus indiscutablement françaises. Par elle la
tradition des Vivien, des La Tour, des Perronneau, des Chardin est
renouée à l’évolution contemporaine de notre école; tous les peintres
qui ont le sens du moderne, tous ceux qui chantent les poésies de la
lumière et de la couleur, et s’enivrent de leurs fêtes indéfiniment
renouvelées, aiment à se délasser dans la pratique de ce délicieux
procédé. Le public le comprend et il en est ravi. Le pastel, il est vrai,
a un grave défaut : il est fragile, se décolore sous l’action d’une trop
vive lumière, mais, dans sa première fraîcheur, il a un éclat fleuri,
une douceur et des matités qui sont la joie des yeux. Il est propice au
rendu des plus fugaces inflexions du modelé des chairs, aux rapports
de valeurs les plus subtils, aux frisements les plus délicats du jour
ambiant, à toutes les morbidesses les plus savoureuses.
Nulle part mieux qu’à la rue de Sèze, terrain neutre, ne s’accu-
sentles deux tendances quise partagent aujourd’hui l’Ecole française.
A l’une appartient un groupe nombreux, indépendant, hardi, remuant,
avide de recherches, affranchi de tout dogmatisme, vibrant de moder-
nisme; à l’autre, une génération assagie par l’enseignement officiel,
attachée aux traditions du passé et à l’imitation des formules
transmises. Les premiers dominent aux Pastellistes, et c’est la raison
d’être de cette aimable exposition. Je vois au catalogue les noms de
MM. Besnard, Gervex, Chéret, Billotte, Jean Béraud, Duez, Doucet,
Lhermitte, Dagnan-Bouveret, Maurice Eliot, Montenard, Rosset-
Granger, Nozal, Thévenot, Jacques Blanche, et, comme invité étran-
ger pour 1891, M. Boldini. On voit que le bataillon des pastellistes
s’augmente chaque année de nouvelles recrues. Et il manque à cette
liste, déjà incomplète, M. Roll, M. Helleu et M. René Gilbert, qui
comptent parmi nos plus habiles manieurs de pastel, et M. Degas,
qui fuit, hélas! toute exposition, et les hôtes habituels de nos Salons,
MM. Kroyer, Edelfeldt, Larsson, etc.
Même lorsqu’il vous surprend et vous trouble, M. Besnard reste
artiste rare et précieux, et original jusqu’en ses plus fines intentions.
Sorti de l’Ecole des Beaux-Arts, Prix de Rome remarqué, M. Besnard
a vite brisé l’enveloppe académique ; en quelques années il a accompli
son évolution, une des plus singulières de notre époque. Il est désor-
mais dans le groupe d’avant-garde, à la tête de notre jeune Ecole.
Si l’on discute encore ses hardiesses, si l’on critique certaines
étrangetés de son style, traversé d’un souffle d’anglicisme à la
Whistler, tout le monde, du moins, rend justice à son merveilleux
V. — 3e PÉRIODE. 53
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mode, parce qu’il est une des formes les plus charmantes de l’art
de peindre, une des plus indiscutablement françaises. Par elle la
tradition des Vivien, des La Tour, des Perronneau, des Chardin est
renouée à l’évolution contemporaine de notre école; tous les peintres
qui ont le sens du moderne, tous ceux qui chantent les poésies de la
lumière et de la couleur, et s’enivrent de leurs fêtes indéfiniment
renouvelées, aiment à se délasser dans la pratique de ce délicieux
procédé. Le public le comprend et il en est ravi. Le pastel, il est vrai,
a un grave défaut : il est fragile, se décolore sous l’action d’une trop
vive lumière, mais, dans sa première fraîcheur, il a un éclat fleuri,
une douceur et des matités qui sont la joie des yeux. Il est propice au
rendu des plus fugaces inflexions du modelé des chairs, aux rapports
de valeurs les plus subtils, aux frisements les plus délicats du jour
ambiant, à toutes les morbidesses les plus savoureuses.
Nulle part mieux qu’à la rue de Sèze, terrain neutre, ne s’accu-
sentles deux tendances quise partagent aujourd’hui l’Ecole française.
A l’une appartient un groupe nombreux, indépendant, hardi, remuant,
avide de recherches, affranchi de tout dogmatisme, vibrant de moder-
nisme; à l’autre, une génération assagie par l’enseignement officiel,
attachée aux traditions du passé et à l’imitation des formules
transmises. Les premiers dominent aux Pastellistes, et c’est la raison
d’être de cette aimable exposition. Je vois au catalogue les noms de
MM. Besnard, Gervex, Chéret, Billotte, Jean Béraud, Duez, Doucet,
Lhermitte, Dagnan-Bouveret, Maurice Eliot, Montenard, Rosset-
Granger, Nozal, Thévenot, Jacques Blanche, et, comme invité étran-
ger pour 1891, M. Boldini. On voit que le bataillon des pastellistes
s’augmente chaque année de nouvelles recrues. Et il manque à cette
liste, déjà incomplète, M. Roll, M. Helleu et M. René Gilbert, qui
comptent parmi nos plus habiles manieurs de pastel, et M. Degas,
qui fuit, hélas! toute exposition, et les hôtes habituels de nos Salons,
MM. Kroyer, Edelfeldt, Larsson, etc.
Même lorsqu’il vous surprend et vous trouble, M. Besnard reste
artiste rare et précieux, et original jusqu’en ses plus fines intentions.
Sorti de l’Ecole des Beaux-Arts, Prix de Rome remarqué, M. Besnard
a vite brisé l’enveloppe académique ; en quelques années il a accompli
son évolution, une des plus singulières de notre époque. Il est désor-
mais dans le groupe d’avant-garde, à la tête de notre jeune Ecole.
Si l’on discute encore ses hardiesses, si l’on critique certaines
étrangetés de son style, traversé d’un souffle d’anglicisme à la
Whistler, tout le monde, du moins, rend justice à son merveilleux
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