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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 1
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Saunier, Charles: Les conquêtes artistiques de la Révolution et de l'Empire et les reprises des alliés en 1815, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0083

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CONQUÊTES ARTISTIQUES DE LA RÉVOLUTION ET DE L’EMPIRE 75

si vous n’avez point entr’aperçu une vieille ville allemande ou flâné le long du
Rhin ou de la Meuse !

Cependant ce rêve d’un musée unique fut un moment presque réalisé. Dans
leur fièvre de centralisation, les hommes de la Révolution ne s’étaient pas con-
tentés de réunir à Paris toutes les richesses d’art de la France; ils avaient voulu
accaparer, au hasard des conquêtes, les chefs-d’œuvre dont s’enorgueillissaient
les principales villes d’Europe. Etait-ce bien équitable? Ils y songèrent à peine.
Leurs modèles, les Romains, avaient agi ainsi.

Et puis, au fond d’eux, il y avait cette croyance, cette superstition, que l’on
retrouve dans tous les décrets, les rapports, les documents relatifs à ces enlève-
ments : l’art ne peut donner tout son épanouissement que dans un pays libre.
Au reste, rien n’est touchant comme les soins qu'ils mirent au transport des
trésors d’art. Certains, dédaignés, perdus en des locaux humides, ne durent leur
salut qu’à la France, qui fit l'impossible pour les remettre en état. Il n’en fut
pas de même lorsqu’ils retournèrent chez leurs anciens possesseurs. Il y eut chez
ceux-ci des négligences coupables L

La France, encore une fois, conservait; dans ses exactions, il y avait une
sorte de dévotion artistique. Mieux valait agir ainsi que de détruire systéma-
tiquement, sauvagement, comme l’ont fait, en 1870, certains chefs allemands à
Strasbourg, à Nancy, à Saint-Cloud et ailleurs.

A partir de 1795, ce fut une arrivée continue de chefs-d’œuvre flamands,
hollandais, italiens, allemands, espagnols. A peine le Salon Carré, transformé
en salle d’exposition temporaire, montrait-il les merveilles d’un envoi qu’un
autre était signalé, attendu, et que les œuvres, un moment admirées, devaient
faire place à d’autres et prendre rang dans les méthodiques travées de la Grande
Galerie. Le Louvre regorgea de chefs-d’œuvre. Il dut en donner aux villes de
France, créer des musées, ou faciliter leur organisation, jusque dans les villes
des pays conquis : à Bruxelles, à Anvers, à Mayence, à Genève. Cela dura
jusqu’en 1815. Alors les puissances coalisées et jalouses firent rendre gorge au
musée trop riche. Les tableaux, statues, bronzes, camées, retournèrent dans les
cités qui les possédaient avant la visite des armées de la Révolution et de
l’Empire.

Certaines œuvres restèrent, et non des moindres, grâce au zèle et à l’habileté
des administrateurs d’alors et en particulier de Vivant Denon, directeur, et de
Louis-Antoine Lavallée, secrétaire général du musée, animés d’une volonté, d’un
courage, d’une énergie qui, à ce moment même, faisaient tant défaut à maint
militaire de passé glorieux.

Telles sont les alternatives que nous allons retracer.

I

L’excellente notice placée par F. Villot en tête du catalogue du Louvre et
de nombreux travaux publiés ici même nous permettent de ne pas insister sur
les origines et les débuts du musée.

Il est assez habituel d’attribuer à Napoléon la responsabilité de l’accapare-

1. Voir notamment la Notice historique du catalogue du musée de Bruxelles, par E. Fétis (p. 58-60),
 
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