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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 1
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Saunier, Charles: Les conquêtes artistiques de la Révolution et de l'Empire et les reprises des alliés en 1815, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0084

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76

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

ment des chefs-d’œuvre. On a tort, car l'idée première vient de la Convention ou
plutôt des comités et commissions qui s’agitaient autour d’elle. Lors de l’enva-
hissement de la Belgique par les armées de la Révolution, on sait que, pour des
causes diverses, maints objets précieux furent amenés en France. Danton et
Lacroix, commissaires aux armées, durent plus tard, au tribunal révolutionnaire,
subir à ce sujet l’outrage d’accusations odieuses. Quoi qu’il en soit, ces richesses,
impôts prélevés en nature pour indemniser des dépenses et des pertes causées
par la guerre, ne manquèrent pas d’attirer l’attention des artistes et des érudits
qui les considérèrent vite comme des acquisitions légitimes et trouvèrent tout
naturel de les faire figurer dans les collections de la République.

C’est ainsi que le sévère Grégoire, dans son instructif rapport « sur les destruc-
tions opérées par le vandalisme et sur les moyens de le réparer»1 ne craignit
pas d’applaudir aux rafles opérées en Belgique.

En effet, après avoir cité des actes de vandalisme, souvent intéressés, commis
par les municipalités, actes qu’il blâme avec âpreté ; après avoir énuméré, en
compensation, les richesses accumulées, pour le plus grand bien de la science et
de l’art, dans les dépôts de Versailles, de Nesles, des Petits Augustins, il termine
en disant :

Nous recueillons des monumens, même dans les contrées où pénètrent nos armées
victorieuses. Outre les planches de la fameuse carte de Ferrari, vingt-deux caisses de
livres et cinq voitures d’objets scientifiques 2 sont arrivés de la Belgique : on y trouve les
manuscrits enlevés à Bruxelles dans la guerre de 1742, et qui avaient été rendus par sti-
pulation expresse du traité de paix de 1769.

La République acquiert par son courage ce qu'avec des sommes immenses Louis XIV
ne put jamais obtenir. Crayer, Vandyk et Rubens sont en route pour Paris, et l’école
flamande se lève en masse pour venir orner nos musées.

On voit que la France possédera d’inépuisables moyens d'agrandir les connais-
sances humaines et de perfectionner la civilisation. Les conceptions nouvelles, les carac-
tères originaux vont se multiplier...

Et la Décade Philosophique, en reproduisant ce rapport dans son numéro du
10 vendémiaire an III (1er octobre 1794), peut déjà ajouter : « Ils viennent d’y
arriver. »

Ce convoi n’était pas de piètre importance, puisqu’il comprenait : L'Agneau
mystique de van Eyck, L'Élévation et La Descente de croix, Le Christ entre les
larrons de Rubens, le Saint Martin de van Dyck, etc.

La possibilité d’enlever-leurs trésors d’art aux pays envahis n’avait été offi-
ciellement débattue que peu de temps avant le rapport de Grégoire. Car, à la date
du 8 messidor an II, Eugène Despois, dans son beau livre sur le Vandalisme révo-
lutionnaire, signale un simple projet de décret conservé aux Archives nationales,
dans les cartons du Comité d’instruction publique. On y propose très timidement
« d’envoyer secrètement, à la suite de nos armées, des citoyens instruits qui
seraient chargés de reconnaître et de faire apporter avec précaution les chefs-
d’œuvre qui se trouvent dans les pays où nos armées ont pénétré. »

En fait, cela se passait dès cette époque. Nous avons trouvé aux Archives

1. 14 fructidor an H (31 août 1794). Imprimé et envoyé par ordre de la Convention aux administrations
et aux sociétés populaires.

2. Grégoire oublie d'insister sur la riche collection d’histoire naturelle provenant du cabinet du stathouder.
Elle prit, dès son arrivée (juin 1795), place au Muséum. Elle ne fut pas atteinte par les réclamations de 1815
et figure encore dans nos galeries,
 
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